Monsieur,

Il nous est venu, comme vous sçavés, messieurs Antoine. Ils furent hier présents à une battue d'environ quarante paroisses où l'on ne fit rien remuer. La beste a encore donné des marques de sa rage le vingt et un passé. Elle commença par égorger un jeune garçon d'environ quinze ans et luy rongea tout le corps. De là elle fut attaquer une petite fille de dix à douze ans, l'emporta par le bras assés loing mais un garçon de quinze ans la vint secourir et frappa cette beste au col avec sa bayonette qui cependant ne se trouva point teinte de sang. De là elle alla couper le col à une fille d'environ quarante et cinq ans et luy arracha un bras qu'on n'a pu retrouver. Je fais garder ces deux cadavres jour et nuit par des tireurs mais elle n'y est pas revenue que je sache. Nos messieurs de Paris sont allés à Saugues où je conte les rejoindre et aux environs de Ventueuges où tous ces désordres sont arrivés dans le mesme jour et sur la mesme paroisse et en peu de temps. J'ay l'honneur d'estre, ainsy que mon fils, avec beaucoup de respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Nos respects, s'il vous plaist, à tous vos messieurs et dammes. D'Enneval

A Malzieux le 24 juin 1765.