Académie des Sciences, belles-lettres et arts de Clermont
Dossier réalisé par Corinne Dalle et Jean-Pierre Livet
L’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont, société savante et académie de province, voit ses origines remonter au milieu du XVIIIe siècle. Apparue en 1747, la « Société des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand » obtient en mai 1780, en particulier grâce à l’intervention d’un de ses éminents membres, l’intendant d’Auvergne M. de Chazerat, des lettres patentes royales qui reconnaissent son existence et ses statuts et lui donnent ainsi la possibilité de s’intituler «Académie».
Supprimée en 1793 comme toutes les autres académies, elle réapparaît et se réorganise progressivement entre 1819 et 1825, pendant la Restauration : la « Société d’encouragement des belles-lettres et arts de la ville de Clermont-Ferrand » et la « Société académique de géologie, minéralogie et botanique d’Auvergne » sont réorganisées et fusionnent sur intervention du préfet en 1824-1825.
A nouveau reconnue par ordonnance royale de Charles X du 11 février 1829, cette société savante est autorisée à prendre le titre d’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand.
Dès l’origine l’Académie de Clermont s’intéresse particulièrement à « l’histoire civile et à l’histoire naturelle de la province d’Auvergne » comme le détaille « [l’]idée générale des matières qui entrent dans le plan et les vues de la société littéraire de Clermont » publiée en 1773 en annexe des statuts et règlements de cette société et accompagnée de la liste des membres de la société cette année 1773.
Bercés de l’esprit des Lumières, ses membres se préoccupent du progrès des sciences et participent à ce titre directement à des expérimentations. Ainsi, l’avocat Queriau et le chimiste Ozy entament-ils dès 1758 des expériences sur le digesteur de Papin, jusqu’alors peu utilisé, afin de créer des tablettes ou des pains de bouillon d’os, tablettes ou pains qui pourraient participer à la solution des crises de subsistances et à l’amélioration du sort du petit peuple. De même, en 1784, M. de Vixouze assiste et rend compte à l’Académie des expériences aérostatiques menées à Aurillac par l’abbé Murat.
« […] On poura se procurer des bouillons pour deux deniers la pinte, en retranchant les dépenses du girofle, et autres dont on peut absolument se passer, le bouillon en gelée ne reviendra qu’à deux deniers la pinte, autant et même plus nourissans que ceux de viandes ordinaire. Les hôpitaux, les maisons de charité, les ouvriers des manufactures et le public en général y trouveront un grand proffit. On conçoit qu’un bouillon assés fort pour se convertir en gelée pourra supléer aux alimens solides et diminuer même la consommation du pain ce qui fait un gros objet pour le peuple. Enfin, ces tablettes répendues partout, dans les armées, sur les vaisseaux, dans les montagnes et autres lieux où souvent les neiges et les glaces empêchent d’aborder, seront d’une utilité encore plus grande et qui est même en quelque sorte infinie. »
« L’Académie de Clermont vient de donner au public un mémoire instructif sur l’usage du digesteur de Papin qui satisfaira entièrement les personnes qui ont paru vouloir en tirer quelq’utilité en conséquences des épreuves qui ont été faites dans la province d’Auvergne. Le mémoire que je donne ne servira que d’extention à l’utilité générale du digesteur. Comme j’ay été chargé de la manipulation, il m’a paru qu’on pouroit en tirer d’autres avantages et mes observations n’ont pas été inutiles. Il y a quelques années qu’il s’étoit étably par les ordres du conseil, et dans le tems que M. de la Michodière étoit intendant d’Auvergne, une manufacture d’une espèce de biscuit qui se fabriquoit à Marsat près la ville de Riom avec une dépense et des précautions qui étonnoient tout le monde. Les grandes provisions de froment et de beufs que l’on consommoit dans cette fabrique ont produit une espèce de gattau composé de farine et de suc de viande dont ont a voulu cacher la manière au public. Mais à l’inspection de ce gattau il a été facile de juger que l’objet de cette fabrique étoit de fournir au militaire et à la marine un nouvel aprovisionnement qui suppléa dans l’occasion au déffaut du bled et du bétail, de manière que sans bétail et sans farine on peut trouver sous la main un pain dont la seule subsistance suffit à faire une bonne soupe avec de l’eau et du suc seulement. J’ignore si ce sistème a rempli dans son exécution les vues du conseil et des personnes proposées. J’ignore aussy si les dépenses en ont été fortes ou modiques et je ne sçais pourquoy on a discontinué. Mes vues n’ont aucune dépendance de ce sistème. Je les annonce comme une nouvelle découverte qui tient plus au digesteur de Papin et aux circonstances de l’usage à quoy l’Académie de Clermont l’a employé qu’au sistème de Marsat, mais comm’il s’y trouve quelqu’analogie, je n’ay pu en former le projet sans en avoir quelque réminiscence. C’est aux personnes instruites sur cet article de faire la combinaison et d’apprétier à leur juste valeur le résultats de l’une et de l’autre. Le digesteur de Papin n’a d’abord été imaginé que pour faire des opérations purement phisiques et quelques personnes intelligentes l’ont ensuite employé à des vues oeconomiques. L’Académie de Clermont l’a envisagé dans cette partie comm’une resource à la disette et au soulagement des pauvres et des malades qui ne peuvent se procurer du bouillon. Elle l’a pris en considération et elle s’en est occupé avec d’autant plus d’aplication que par son moyen elle faisoit rentrer dans l’usage public une matière qui n’avoit été regardée jusqu’icy que comme inutilie objet et de rebut mais dont on pourroit tirer de grands avantages par la seule pratique du digesteur. […] »
La société cherche également à améliorer et diffuser les connaissances. Par exemple elle cherche dans les années 1780 à établir un cabinet d’histoire naturelle qui serait mis à disposition des scientifiques.
« Monsieur, La protection dont vous avés toujours honoré la société royalle des sciences, arts et belles-lettres de Clermont me donne le droit d’espérer que vous ne désaprouverés point une idée qui m’est venue sur un local qui me semblerait convenable à la tenue de ses séances soit publiques soit particulières. Je veux parler de la salle qui est connue sous le nom de bibliothèque du collège. Cette pièce est devenue totalement inutile depuis l’expulsion des Jésuites et elle se trouve dans un état de délabrement qui exigerait quelques dépenses de la part du bureau pour la rendre susceptible de renfermer des livres. Je ne pense pas que ce soit son intention. Je proposerais que le bureau du collège abandonnat cette salle à la société royalle. Nous nous chargerions d’y faire les réparations nécessaires pour y établir un cabinet de phisique et d’histoire naturelle qui renfermerait les curiosités de la province dans les trois règnes. Ce travail pourrait être long et dispendieux mais avec le temps et quelques secours extraordinaires pour lesquels nous réclamerions vos bontés, nous nous flatterions de réussir et de procurer à la ville un objet d’utilité publique. Si nous parvenions dans la suitte à avoir quelques machines, nous ne nous refuserions point à en accorder l’usage à MM les professeurs pour les expériences. Enfin nous nous préterions à tout ce qui pourrait paraître avantageux à nos concitoyens. […] »
Dans cet esprit, l’Académie organise des « lectures publiques » et certains de ses membres lancent l’idée de conférences, en particulier historiques, ouvertes à tous. A partir de 1828, l’Académie participe encore à la diffusion des connaissances par la publication des Annales de l’Auvergne, inspirées par Henri Lecoq, puis des Mémoires de l’Académie et, à partir de 1881, du Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne.
L’Académie correspond dès le XVIIIe siècle avec d’autres sociétés savantes et des intellectuels non seulement à travers la France mais aussi à l’étranger comme l’attestent plusieurs documents. Ainsi l’abbé Bassinet, lecteur du comte d’Artois, en rapport avec des gens de lettres à Paris, Rome et Saint-Petersbourg, devient-il membre de l’Académie en 1775 après avoir été présenté par l’intendant de Chazerat.
L’Académie s’intéresse également aux arts et les favorise de différentes manières. Les publications de l’Académie recèlent d’articles scientifiques sur le patrimoine artistique local tant en architecture, sculpture, peinture ou qu’en musique, sur les découvertes d’objets et d’oeuvres d’arts méconnus.
L’Académie participe également à la réflexion sur certaines questions ou oeuvres artistiques parfois même de manière polémique. C’est le cas pour le monument à Vercingétorix réalisé à Clermont, projet avec lequel l’Académie avait été en désaccord la poussant à faire ériger un autre monument sur le plateau de Gergovie. Même après leur réalisation respective, l’Académie reste critique sur certains choix quant à la statue clermontoise.
Les prix distribués par l’Académie, comme le prix de poésie dans les années 1910, ou encore les achats opérés par l’Académie, comme celui de deux bustes réalisés par le sculpteur Chalonax en 1849, participent également à la valorisation des arts.
Par ailleurs l’Académie est elle-même devenue propriétaire, grâce à plusieurs donations et legs, d’un important patrimoine artistique immobilier et mobilier qu’elle cherche à protéger et mettre en valeur. Ainsi en est-il de la tour de Montpeyroux devenue propriété de l’Académie en 1950 par donation de Louise Augustine Clément veuve Rougier, classée monument historique en 1951 grâce aux efforts l’Académie et restaurée à plusieurs reprises.
De même de nombreux objets et oeuvres d’arts exposés au Musée d’Art Roger Quilliot appartiennent à l’Académie comme le bureau dit « de Chazerat », provenant du legs de la famille Drudin-Ledru, ou bien encore le tableau « Les Laveuses », de Boucher, provenant du très important et très riche legs d’Emmanuel Chopard.
Ainsi, depuis le milieu du XVIIIe siècle et malgré les vicissitudes de l’Histoire, l’Académie apparaît comme un acteur important de la vie culturelle locale.