Cet hiver contre la fièvre : safran, sel et ail au doigt « après le petit »

Les documents d’archives anciens ont parfois – souvent – plusieurs vies, dans un contexte où le support, parchemin ou papier, est relativement précieux. C’est le cas du registre paroissial de Saint-Sylvestre-Pragoulin, utilisé par le curé du lieu entre 1633 et 1665, qui a auparavant servi à bien autre chose qu’à consigner baptêmes, mariages et sépultures…


L’examen de ce registre, le plus ancien de ceux déposés en août 2021 par la commune Saint-Sylvestre-Pragoulin aux Archives départementales, a réservé à l’archiviste chargé de le classer et de le décrire bien des surprises : les premières pages de ce cahier de papier, sûrement destinées à être collées afin de former une couverture rigide, portaient de bien étranges textes… lisibles à un œil exercé !

Le document semble avoir tout d’abord servi au garde notes (ou archiviste) : dans ce registre sont en effet notées les communications aux consuls des documents antérieurs utiles à leur administration (ainsi les registres de compte pour 1590 de prêtés aux consuls en 1613] ; il porte par ailleurs des relevés de sommes dues en raison de rentes à des membres de la famille Soubrany, qui tiennent le haut du pavé dans le Riom d’Ancien Régime.

Mais sont également présentes deux recettes d’onguent, aussi baroques qu’inattendues. Qu’on en juge plutôt :


 

«Pour fere onguen de Petrus aultrement de negosiant 

Fault prandre ung carteront de tourmentyne de Venise,
un carteron de buere fraictz,
un carteront de moille de beufz,
demy cart cire vierge,
demy cart huille d’olifz,
demy chopyne et justz de necessiant,
demy peugnieree de la feulhe de lad. herbe,
demy cart oinct de pourseau vieux,


ce
ce qu’il falut fere le tout boullyr dans ung pallon ou petit chauderont a petit feu, le remuant souvant avec une espatulle tant q[ue] le just present consomné puisse passer p[ar] ung linge fort fin, et appres le laisser refroydir pour ung temptz ; po[ur] en uzer quand ont vauldra, anlevuer y mectent ung peu de seel qui n’y est pas [ ?]


Aultre recepte po[ur] la fievre

Fault prandre ung sol saffrain,
cinq grains de seel,
trois dousses d’aux
le tout fere boullyr avec ung verre de vin blanc [et] le pauser a la main gaulche au doibt apres le petit »


 

Si le besoin s’en fait sentir, on peut aisément cet hiver mettre à l’épreuve la seconde recette, en appliquant l’onguent à l’annulaire gauche (d’où, selon la croyance populaire, part une veine qui va directement au cœur) si l’on a de la fièvre ; la mise en œuvre de la première recette semble plus compliquée, à moins de disposer dans son jardin d’un pied de tourmentine (ou herbe d’égarement) ramenée de Venise, réputée dans le folklore pour égarer toute personne marchant dessus…


Recettes d’onguent [2e décennie XVIIe s.] consignées dans le registre paroissial de Saint-Sylvestre-Pragoulin [1633-1665],

Arch. dép. Puy-de-Dôme, E-dépôt 420 GG 1




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