En selle, travailleurs ! Le vélo à l’heure ouvrière

La « Petite reine » et les premières générations ouvrières sont filles de l’ère industrielle, à la ville et de la ville. Mais l’emprise de la bicyclette dans l’espace urbain est aussi fulgurante que de courte durée… À son apogée dans les années 1920-1930, elle tend même, dans les quartiers les plus ouvriers des villes, à supplanter tout autre mode de transport individuel.


Même l’arrivée massive de l’automobile dans les foyers au début des Trente Glorieuses n’a pas complètement détrôné la bicyclette, comme cette dernière avait détrôné le cheval dans l’entre-deux guerres...


 


Issoire, établissements Ducellier : à l’heure de la sortie d’usine, les ouvriers à pied et surtout à bicyclette !
Film d’Alix Merle, 16 mm, noir et blanc, sonore (1957 ?).
Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds Alix Merle, 19 AV 6

 

Visionnez le film "Le vélo à l'heure ouvrière - Sortie d’usine, établissements Ducellier à Issoire (1957)"


Né en 1917, Alix Merle, enseignant de formation, est très engagé dans le secteur associatif, notamment dans l'éducation populaire et les milieux sportifs issoiriens. Cinéaste amateur prolifique, il a filmé pendant 40 ans ses passions et ses engagements. Issoire en 57 est un portrait de la ville d'Issoire, qui en montre le développement et la modernisation au début des Trente Glorieuses. Décédé en 2002, la totalité de ses films a été collectée par les Archives départementales du Puy-de-Dôme en 2013 et 2018.


 

1938, la première piste cyclable à Clermont-Ferrand

 

L’avant-projet d’aménagement des voies de traverse et de contournement de Clermont-Ferrand, présenté par le service des Ponts-et-Chaussées en 1938 (S 6230), prévoit, pour le nouveau tracé de la R. N. 9 aux abords de Montferrand, une chaussée partagée entre automobilistes, piétons et cyclistes.

 

Cette proposition inédite s’appuie sur les recensements de la circulation effectués tous les 5 à 10 ans depuis 1894 au moins. À partir de 1913, au dénombrement des chevaux et véhicules à traction animale s’ajoute celui des véhicules motorisés et des « vélocipèdes ou cycles mus par les pieds »… Des postes de comptage sont installés à intervalles réguliers le long de la route, dénombrant jour et nuit les passages, évaluant le tonnage global des véhicules empruntant la voirie. Si les vélocipèdes ainsi comptabilisés restent rares en zone rurale, leur nombre s’accroît à l’approche des villes, si bien qu’au point d’entrée nord de Clermont-Ferrand, à la jonction des usines, des quartiers nouvellement construits et des villages vignerons de proximité, les bicyclettes sont plus nombreuses que les véhicules motorisés et les chevaux ! De quoi justifier amplement la création de voies de circulation dédiées…


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Recensement de la circulation en 1920-1921. Chaussées empierrées et pavées. Journal des comptages de l’Ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées. Arch. dép. du Puy-de-Dôme, fonds de la préfecture, service des Ponts-et-Chaussées, S 5640.


Véritables outils de décision, ces comptages sont essentiels dans la mise en œuvre des vastes travaux d’aménagements urbains qui sont entrepris à Clermont-Ferrand dans l’entre-deux-guerres (« plan Marcombes », voté en 1926), en application de la loi Cornudet (14 mars 1919, modifiée en 1924) qui fixe pour la première fois des obligations en matière de planification urbaine pour les villes françaises. Le tracé des voies nouvelles se poursuit malgré la Seconde Guerre mondiale ; le projet de piste cyclable n’est pas abandonné. En 1941, cette dernière est projetée sur la portion longeant les usines Michelin de Cataroux où elle « serait extrêmement utile tant pour la sécurité des cyclistes que pour la commodité de la circulation automobile »… Leur mise en œuvre ne sera toutefois pas effective avant la fin de la guerre, et l’idée d’une voie partagée entre automobilistes, piétons et cyclistes reste prégnante des années encore. Dans les années 1980, le doublement des grandes voies de pénétration nord (rues du Torpilleur-Sirocco et Fernand-Forrest), pensé pour l’automobile, n’oublie pas pour autant cyclistes et piétons à qui une voie ombragée est dédiée (2552 W 51-54). Le souvenir du passage des ouvriers à bicyclettes perdure…


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Route nationale n°9 de Paris à Perpignan : avant-projet du nouveau tracé de la déviation de la route de Montferrand, sur une distance de 2323,70 mètres (extrait). Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds de la préfecture, service des Ponts-et-Chaussées, S 6230.




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