Eudes, star des Archives

En confirmant une restitution de terres aux chanoines de la cathédrale de Clermont qu’avait consentie l’empereur Charles III le Gros, son prédécesseur, Eudes, roi des Francs, marque son autorité au sud de la Loire, tout en donnant le plus ancien des documents aujourd’hui conservés aux Archives départementales du Puy-de-Dôme.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds du chapitre cathédral de Clermont, 3 G arm. 18 sac A acte 1 (3 GPS 1050-1)


Fils aîné de Robert le Fort, Eudes (ou Odon) appartient à la puissante famille des Robertiens : son père est marquis de Neustrie – dépossédé de ce marquisat en 868, Eudes le retrouve en 886 –, lui-même est fait comte de Paris en 882/883 – c’est à ce titre qu’il soutient le siège de la ville par les Vikings au cours de l’hiver 885-886 – et son arrière-petit neveu sera Hugues Capet, fondateur de la dynastie des Capétiens. En 887, l’empereur Charles III, roi des Francs de l’Ouest depuis deux ans, est déchu par les grands du royaume, notamment en raison de son incapacité à le défendre contre les hommes venus du Nord. La haute aristocratie élit alors en son sein Eudes, qui devient en 888 le premier roi des Francs à ne pas être issu des Carolingiens depuis Pépin le Bref.


En dehors de ses domaines patrimoniaux, entre Loire et Seine, Eudes ne peut exercer qu’un pouvoir relativement affaibli vis-à-vis des grands ; ses liens avec l’Auvergne sont distants, même s’il vient repousser les Vikings à Montpensier en 892. En revanche, c’est vers lui que se tourne l’évêque de Clermont pour obtenir la confirmation d’un acte de son prédécesseur au bénéfice des chanoines de sa cathédrale, qui conserveront soigneusement le document jusqu’à la Révolution.

Cette sollicitation est l’occasion pour Eudes de marquer son autorité : roi des Francs, il a le pouvoir de confirmer les actes de ses prédécesseurs, partout dans le royaume.


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Détail : le chrisme

 

 

 

Pour ce faire, sa chancellerie élabore un diplôme, charte solennelle qui répond à un formalisme particulier. Il est établi sur un parchemin de bonne taille, presque carré (43 cm de côté), où l’écriture, très élégante, est disposée en lignes régulières qui « gaspillent » un support coûteux. L’acte s’ouvre par un chrisme, combinaison graphique – et ici très ornée – des deux premières lettres du mot « Christ » en grec (X et P), et par une invocation au Seigneur et au Sauveur ; les lettres de la première ligne sont étirées, sur le modèle de la chancellerie impériale (on parle de « lettres célestes »).

 



 

La fin de l’acte est particulièrement soignée : c’est là que se manifeste l’intervention royale. Si le sceau, plaqué, a disparu (ne reste plus que l’incision qui le maintenait), le centre du monogramme du roi, combinaison des lettres « ODO REX » (« Eudes, roi »), porte un trait vraisemblablement de sa main ; il est encadré par la formule « Signum Odonis… gloriosissimi regis » (« seing d’Eudes… roi très glorieux »), superbement calligraphiée. Le secrétaire Hervé achève l’acte, au nom de l’archevêque de Sens, Gautier, proto-chancelier, par une « ruche de chancellerie », dessin complexe à partir des lettres du dernier mot, « subscripsit ».


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Détail: le monogramme ODO REX

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Détail: la ruche de chancellerie


Véritable star des Archives départementales du Puy-de-Dôme, où il est entré à la Révolution, le« Eudes », document le plus ancien du dépôt, correspond bien, par sa forme et ses signes de validation, à un type diplomatique particulier : le diplôme (qui a donné son nom à la science des actes anciens, la diplomatique).On peut s’amuser à le comparer à nos diplômes contemporains, qu’on appelle d’ailleurs, même s’ils sont rédigés sur papier… parchemins ! (consulter le dossier "Honneur à Léa Tichet")



Eudes, roi des Francs, confirme aux chanoines de la cathédrale de Clermont les domaines de Sansat, Cussat, Ressort, Molins et des Pommiers, restitués par son prédécesseur Charles III le Gros (entre 894 et 898)

Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds du chapitre cathédral de Clermont, 3 G arm. 18 sac A acte 1 (3 GPS 1050-1)

 

Voir aussi :

Chartes originales antérieures à 1121 conservées en France sur le site Telma




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