L'émancipation des femmes

Ce nouveau dossier de la série « Histoires de femmes » porte sur leur émancipation, principalement dans la période contemporaine, de la fin du XIXe siècle au début du XXIe siècle.

Ici, une approche thématique a été privilégiée, autour de trois aspects principaux, que nous déclinerons successivement :

* la femme, l’égale de l’homme ?

* la femme, une citoyenne à part entière ?

* la femme, libre dans son corps ?

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©Arch. dép. Puy-de-Dôme, 587 Fi 560

1ère partie : la femme, l’égale de l’homme ?

 

Les femmes revendiquent une égalité des droits dès la fin du XVIIIe siècle. Au moment de la Révolution, en 1791 précisément, Olympe de Gouges réclame l’égalité entre hommes et femmes dans sa « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » qui stipule dans son article premier : « La femme nait libre et demeure égale à l’homme en droits ». Mais son combat, qui fait d’elle une des premières féministes, n’a alors que peu d’impact. Elle est même guillotinée deux ans plus tard.


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Le Moniteur du 21 juillet 1907. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 bib 3

1)    Le combat pour les droits des femmes

Rendue « mineure » par le Code Civil napoléonien, qui consacre son « incapacité juridique », la femme mariée doit attendre le début du XXe siècle pour voir ses droits évoluer.

C’est ce qu’illustre un article du Moniteur du 21 juillet 1907, dont le titre « La conquête des femmes » est très révélateur. L’auteur revient sur la loi établissant le libre salaire de la femme mariée : promulguée le 13 juillet 1907, au terme de treize années d’efforts et de rebondissements, elle a été portée avec pugnacité  par Léopold Goirand, député radical de Melle dans les Deux-Sèvres.

Mais, avec cette loi, les femmes mariées n’obtiennent en 1907 qu’un pouvoir d’affectation de leur salaire : une fois l’argent dépensé, les biens acquis retombent sous l’administration du mari. D’autre part, les dispositions ajoutées par le Sénat « en cas d’abus par la femme » limitent la portée du dispositif.

Cette réforme n’en marque pas moins un tournant. En ouvrant une brèche dans le Code civil napoléonien qui donne tout pouvoir de décision à l’époux, cette loi met la République sur une voie nouvelle, celle de l’égalité des sexes.

Le combat se poursuit alors.

 


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La Montagne du 31 mai 1926. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 bib 2

Après la Première Guerre mondiale et malgré la participation active des femmes à l’effort de guerre, on relève peu d’évolutions notables concernant les droits des femmes.

Les revendications se poursuivent. Le 31 mai 1926, un article de La Montagne, intitulé « L’Alliance internationale pour le suffrage des femmes tient un congrès à Paris »,relate  le 10ème  rassemblement de l’Alliance. Fondée en 1904, celle-ci regroupe plusieurs millions de femmes, représentant à peu près tous les pays.500 déléguées, réunies à Paris, discutent des droits et des devoirs des femmes : « l’amélioration de sa condition sociale et morale, ainsi que les questions intéressant l’hygiène, la santé publique, la protection des enfants, la société des Nations et la paix mondiale ».


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Foyer de France. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 BIB 1487

Le rapport hommes-femmes au sein du couple évolue positivement dans l’entre-deux-guerres et sous le régime de Vichy.

Le 1er mai 1943, un article intitulé « Les époux ont des droits l’un sur l’autre et des devoirs l’un envers l’autre » indique les évolutions de la loi (du 22 septembre 1942) en faveur des femmes au sein du couple.

Il rappelle l’impact majeur de la loi de 1938, réformant  l'article 213 du Code civil de 1804 et supprimant l'incapacité juridique des femmes. Celles-ci ne doivent plus obéissance à leur époux et la puissance maritale est remplacée par cette formule : « les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance ».

Quatre articles de la loi de septembre 1942 peuvent retenir l’attention :

-         l’article 213, associe pleinement la femme à la direction de la famille et lui confère de plein droit la qualité de chef de famille lorsque le père cesse de pouvoir assumer les charges correspondantes. « C’est évidemment le cas pour les femmes de prisonniers et celles dont le mari est absent » ;

-         l’article 215 précise que la « mère de famille aura désormais la possibilité de s’écarter, avec ses enfants, du milieu peu salubre ou d’un mauvais exemple moral où la volonté du chef de famille pouvait auparavant les contraindre à vivre » ;

-         l’article 220 donne à la femme « le pouvoir de représenter le mari pour les besoins du ménage, et d’employer pour cet objet les fonds qu’il laisse entre ses mains » ;

-         le nouvel article 223 reconnaît expressément à la femme « le droit d’exercer une profession séparée de celle de son mari, droit qui jusqu’ici ne lui était reconnu qu’implicitement ».


Au lendemain du Second conflit mondial, en 1946, le préambule de la Constitution de la IVème République précise : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Le combat ouvert par Olympe de Gouges semble trouver ici un épilogue favorable.

Pourtant, dans la pratique, le chemin pour une égalité parfaite est encore long. Par exemple, il faut attendre le 23 décembre 1985 pour qu’une loi sur l’égalité des époux dans la gestion du patrimoine permette aux femmes de transmettre leur nom à leurs enfants, en plus de celui du père.


 

2)    La réaction des hommes

 

Le désir d’émancipation des femmes a provoqué de nombreuses réactions de rejet de la part de la gent masculine.

« Séduire et être mère, c’est pour cela qu’est faite la femme » : cette déclaration du sénateur Alexandre Bérard, en 1919, reflète l’opinion de l’immense majorité des hommes au début du siècle, en particulier des hommes politiques.

Plus tard, dans les années soixante-dix, le combat des hommes prend pour cible la progression des droits des femmes qui pourraient alors restreindre certains des leurs.

Un article de La Montagne, daté du 15 avril 1975 et intitulé « Les hommes se rebiffent… », évoque la création du M.C.M.P. (Mouvement de la Condition Masculine et Paternelle), dont le cheval de bataille est le divorce.

« En quelques semaines […] sur simple demande de son épouse, le mari est répudié, expulsé du logement, séparé de ses enfants et astreint à verser une pension ».


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La Montagne du 15 avril 1975. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 bib 2


 

 

 

2ème partie : la femme une citoyenne à part entière ?

 

Les femmes revendiquent le droit de vote dès le début du XXe siècle. Leur émancipation active, en tant qu’électrices et élues, n’est accordée qu’au lendemain du Second conflit mondial. 


1) L’accès à l’éducation, école de citoyenneté

 

Dès le Second Empire, l’État fixe des règles concernant l’éducation des filles. Une ordonnance du roi Louis-Philippe du 23 juin 1836 précise que « l’instruction primaire comprend nécessairement l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les éléments du calcul, les éléments de la langue française, le chant, les travaux d’aiguille et les éléments du dessin linéaire ».

À ces apprentissages de base, la loi en ajoute d’autres pour l’instruction primaire supérieure, et notamment « les éléments de l’histoire et de la géographie, et particulièrement de l’histoire et de la géographie de la France ». (T 56)

 

En 1850, la loi Falloux fixe comme objectif la construction d’une école primaire pour filles dans chaque commune de plus de 800 habitants.

Le programme obligatoire comprend l'apprentissage de la lecture, de l'écriture, des rudiments du calcul, une éducation morale et religieuse et pour les filles les « travaux d'aiguille ». Deux tiers des filles sont scolarisées à cette époque.

À la suite de cette première étape, trois dates peuvent être mises en avant :

-         en 1861, Julie-Victoire Daubié est la première bachelière française ;

-       en 1875, Madeleine Brès est la première femme à obtenir le diplôme de docteur en médecine ;

-      en 1880, la Sorbonne s’ouvre aux jeunes filles. La loi Sée institue un enseignement secondaire féminin d’État.

 

Le 28 janvier 1893, un document intitulé « État de situation des écoles de filles de l’arrondissement de Clermont-Ferrand », indique « c’est ainsi que la propagation de l’instruction primaire dans nos campagnes sera un des plus puissants moyens de moralisation et de bien-être. C’est surtout par l’éducation de la femme qu’on fera naître et qu’on développera avec le sentiment religieux, dans la famille et dans la société, ces habitudes d’ordre, de travail et d’économie qui en assurent le bonheur et la prospérité ». (T47)

 


2) Les femmes et le suffrage universel

 

En 1908, lors des élections municipales, ont lieu les premières actions des suffragettes, inspirées par le mouvement britannique.

Le terme de « suffragettes » apparaît en 1903 en Grande Bretagne avec la création par Mademoiselle Pankhurst de l’Union politique et sociale des femmes, dont les membres militent pour le vote des femmes. Le terme ne doit pas être confondu avec celui de « suffragistes » : dans la revendication féministe, au lieu de se contenter de la persuasion pacifique, le mouvement des suffragettes entend recourir à la violence pour obtenir l’égalité politique des deux sexes et en particulier le droit de suffrage et l’éligibilité.

 

Deux brèves dans Le Moniteur sont une parfaite illustration du combat des suffragettes en France.

 

La première date du 8 mai 1908 et relate la protestation déposée par Mademoiselle Laloé à la préfecture de la Seine, suite au premier tour des élections municipales dans le quartier Saint Georges : elle s’élève « contre le refus de la laisser assister au dépouillement du scrutin et contre le fait que les bulletins à son nom étaient considérés comme blancs ».

 

La seconde, datée du 11 mai 1908, rend compte d’un événement mettant en scène « une suffragette, Madame Pelletier, docteur en médecine », qui s’est déroulé lors du deuxième tour des élections. « Comme on lui refusait l’entrée de la section de vote, elle lança une de ses pierres dans une vitre qui fut brisée ». Ce type d’action était très en vogue de l’autre côté de la Manche. « Madame Pelletier a été presque aussitôt remise en liberté ».


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Le Moniteur du 26 décembre 1918. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 bib 3

 

 

 

 

 

Après la Grande Guerre, de nombreux pays accordent le droit de vote aux femmes : Allemagne, États-Unis, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Suède, Nouvelle-Zélande. Le 15 juillet 1919, le pape Benoît XV se prononce officiellement pour le vote des femmes.

 

En France, le débat est encore vif et loin d’être résolu. Un article du Moniteur, datant du 26 décembre 1918, prend position sur le suffrage des femmes. Il s’agit alors d’une opinion bien tranchée en défaveur du vote des femmes :

« D’aucuns estiment que les femmes ne doivent pas se mêler de nos luttes et que leur ambition doit se borner à bien diriger leur maison. Leur tâche d’épouse et de mère est assez grande et assez belle pour remplir toute leur existence ».


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Le Moniteur du 21 mai 1919. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 bib 3

 

 

 

 

Durant l’entre-deux-guerres, plusieurs projets de loi en faveur du droit de vote des femmes n’aboutissent pas :

-         avec une large majorité (344 pour et 97 contre), le droit de vote des femmes est adopté par la Chambre des députés, le 20 mai 1919.

 

C’est ce qu’évoque un article du Moniteur du 21 mai, intitulé « Les droits de la femme triomphent au palais-Bourbon ». « Le moment est venu où les femmes seront prêtes à la participation à la vie politique, et il n’y aurait pas de raison pour ne pas toujours reculer » défend René Viviani, le député socialiste de la Creuse.


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Le Moniteur du 22 novembre 1922. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 bib 3

 

Le 21 novembre 1922, à une faible majorité, le Sénat refuse d'examiner cette proposition de loi.

-             Encore une fois, la presse locale relate l’événement, dans un article daté du 22 novembre, intitulé « Au revoir » et qui débute ainsi : « par 156 voix contre 134, le Sénat a refusé aux femmes françaises le droit électoral que possèdent les anglaises, les américaines, les polonaises, les allemandes, les sarroises, les finlandaises, les russes, les chinoises et les hindoues ». L’auteur rappelle ensuite que les femmes, malgré le refus de la haute assemblée, sont présentes partout dans la société (tribunaux, enseignement, commerce, administration, laboratoires), et qu’elles ont joué et jouent encore un rôle important « depuis la tourmente ». Il conclue par ses mots : « Il faudra bien tôt ou tard se rendre à l’évidence. Non le suffrage des femmes n’est pas enterré. Il ne faut pas lui dire adieu, mais : au revoir ! ».

 

-         Une nouvelle proposition de loi concernant le vote des femmes aux élections municipales et cantonales, est approuvée par la Chambre des députés en avril 1925. Une résolution législative est adoptée le 12 juillet 1927, qui « invite le gouvernement à hâter, devant le Sénat, la discussion du projet de loi voté par la Chambre des députés concernant le suffrage des femmes aux élections municipales »;

 

-         Renouvelée le 31 mars 1931 et en 1935, la résolution est toujours refusée par le Sénat.


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La Montagne du 5 octobre 1944. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 bib 2

 

C’est dans la France libre, en 1943, que Marthe Simard et Lucie Aubrac sont nommées membres de l’Assemblée consultative provisoire. Pour la première fois des femmes siègent dans une assemblée parlementaire française.

Le 5 octobre 1944, un article de La Montagne, intitulé « Les femmes seront électrices et éligibles », relate  que les élections aux conseils municipaux et généraux qui vont avoir lieu en avril 1945 seront ouvertes aux femmes.

C’est ce que précise une ordonnance du Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF) du 5 octobre. Elle confirme l’article 17 de l’ordonnance du 21 avril 1944, prise par le Comité Français de Libération Nationale (CFLN) à Alger, portant sur l’organisation des pouvoirs publics en France après la Libération. Il est clairement indiqué dans ce texte que « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes »


 

Un article du 14 novembre 1944, intitulé « La femme doit voter », rappelle l’obtention du droit de vote pour les femmes.

Il précise que durant l’entre-deux-guerres « à plusieurs reprises la Chambre des députés avait voté des projets qui s’étaient heurtés au veto poli mais ferme du Sénat conservateur ». L’auteur indique que les femmes doivent désormais s’inscrire sur les listes électorales révisées. Il conclue alors par ces mots : « C’est aux femmes de se montrer dignes du droit qu’on vient de leur accorder ».

 

Ce droit, les femmes l’utiliseront pour la première fois le 29 avril 1945, lors des élections municipales.

Cette carte d’électrice de Raymonde Androdias, commune de Celles-sur-Durolle, illustre parfaitement ce nouveau droit accordé aux femmes. Elle fut éditée le 5 octobre 1946, à l’occasion du référendum du 13 octobre 1946 en vue de l’adoption de la constitution de la IVème République.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 3 E 66/66

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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 3 E 66/66


3) Les femmes et l’engagement politique

 

  • Depuis la fin du Second conflit mondial, plusieurs dates illustrent cet engagement et la place prise par les femmes dans la vie politique française :

-   en 1947, Germaine Poinso-Chapuis (membre du Mouvement Républicain Populaire) devient la première femme nommée ministre de plein exercice (ministre de la Santé publique et de la Famille) ;

-   en 1981, Yvette Chassagne (Parti socialiste) devient la première préfète ;

-   en 1989, Catherine Trautmann (Parti Socialiste) devient la première femme maire d’une ville de 100.000 habitants, Strasbourg ;

-   en 1991 : Edith Cresson (Parti Socialiste) devient la première (et à ce jour unique) femme nommée Premier ministre ;

-   en 1993, Simone Weil est la première femme nommée ministre d’État, avec le portefeuille des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville ;

-   1999 : la Constitution révisée intègre désormais le principe de parité, qui permet l’établissement d’une loi sur l’égal accès aux fonctions politiques l’année suivante.

 

  • Un article de la revue « Mairie développement » (magazine régional des élus locaux d’Auvergne) de novembre-décembre 1999, intitulé « Les femmes élues prêtes pour 2001 », porte sur la place des femmes dans le débat public.

Ces réflexions en vue des élections municipales de 2001 rappellent, en particulier, ce qui peut encore freiner l’engagement des femmes dans la vie politique. Quatre raisons majeures sont mises en avant :

-    le manque de structures (type crèche) qui pourraient aider les femmes à s’engager ;

-    la frilosité des femmes (« les femmes ont un problème d’auto-estime ») ;

-    le non cumul des mandats laisserait peut-être plus de place aux femmes ;

-   le problème du statut de l’élu, qui rend difficile le cumul de l’activité professionnelle et un mandat électif.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 2372 W 33


 

 

3ème partie : la femme, libre dans son corps ?

 

Au XIXe siècle, l'idée même que les femmes aient une sexualité propre était encore marginale. Les rapports sexuels sont une exigence incluse dans le contrat de mariage. La sexualité est un devoir ; les hommes en ont le monopole et en contrôlent l'usage. Pour les femmes, ni leur corps, ni l'usage de leur corps ne leur appartient : l'État leur interdit le libre choix de la procréation, tandis qu'il confère à tous les hommes, par une dénégation formelle du principe de l'égalité, le privilège d'être obéis.

 

Après la Seconde Guerre mondiale, les femmes revendiquent la possibilité de disposer librement de leur corps. Deux droits sont alors au cœur de leur combat.


1) Le droit à la contraception

 

  • En 1955, l'avortement thérapeutique est autorisé. La même année est mise au point la pilule anticonceptionnelle aux États-Unis.

L’année suivante, est fondée la « Maternité heureuse », qui devient en 1960 le Mouvement Français pour le Planning Familial (MFPF). Celui-ci réclame la libéralisation de la contraception, pratiquée légalement dans le reste de l’Europe du Nord-Ouest. Même si ce combat a pu être réduit au slogan de « pilule libératrice », le planning promeut toutefois dans son combat toute la gamme des contraceptifs : préservatifs, cape cervicale, diaphragme, gelées spermicides, stérilet.

Le combat du Planning familial est aussi mené contre la loi de 1920. Dans le contexte de la politique nataliste à la suite de la Première Guerre mondiale, celle-ci réprime fortement l'avortement (défini comme un crime) et interdit la propagande pour les méthodes anticonceptionnelles.

 

  • Le 28 décembre 1967 est votée la loi Neuwirth qui autorise la vente des produits contraceptifs, sous un strict contrôle pharmacien et médical, avec un encadrement de la publicité. Jusqu'à 21 ans (la majorité légale), une autorisation parentale est nécessaire pour la délivrance de la pilule. La loi n'est toutefois appliquée qu'à partir de 1972 (date des premiers décrets d'application), à cause de nombreux freins de l'administration.

2) Le droit à l’avortement

 

  • En 1971,343 femmes signent le manifeste « Je me suis fait avorter » que publient Le nouvel Observateur et Le Monde. Habilement, des noms de célébrités intouchables se mêlent à ceux des inconnues. Elles ne veulent ni demi-mesure, ni compromis mais un avortement libre et gratuit, dont la décision appartient aux seules concernées. De nombreuses voix font entendre leur hostilité (milieux catholiques, journaux de droite titrant Le manifeste des culs ensanglantés »), mais l'initiative est aussi saluée, relayée dans d'autres journaux (l'évocation la plus célèbre encore aujourd'hui est celle de Charlie Hebdo, titrant « Le manifeste des 343 salopes »), et même reprise à l'étranger (Romy Schneider dans Stern). 

 

Jusqu’alors, la pratique de l’avortement est interdite depuis une loi de 1920 qui assimile la contraception à l’avortement. Toute propagande anticonceptionnelle est interdite. Le crime d’avortement est passible de la cour d’Assises.

 

En 1942, l’avortement est même considéré comme un « crime contre l ’État », passible de la peine de mort. Marie-Louise Giraud, surnommée la « faiseuse d’anges », sera guillotinée le 30 Juillet 1943 pour avoir aidé des femmes à avorter.

En 1972, eu lieu le procès de Bobigny : cinq femmes y furent jugées. Une jeune femme mineure qui avait avorté après un viol, et quatre femmes majeures, dont sa mère, pour complicité ou pratique de l'avortement. Ce procès, dont la défense fut assurée par l'avocate Gisèle Halimi, eut un énorme retentissement et contribua à l'évolution vers la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse en France.

 


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La Montagne du 14 novembre 1974. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 bib 2

 

  •  Un article de La Montagne, daté 14 novembre 1974, et intitulé « L’avortement demeure « un ultime recours » », évoque le projet de loi sur l’IVG proposé par Simone Veil, Ministre de la santé.

Cette loi, qui met un terme à la loi liberticide de 1920, doit permettre aux femmes d’interrompre leur grossesse jusqu’à la 12ème semaine.

L’auteur rappelle trois choses :

-          la Ministre précise que les candidates à l’IVG seront informées sur les risques liés à ce genre d’interventions et que « toute publicité en sa faveur sera interdite et réprimée » ;

-        politiquement, Simone Veil sait que sa majorité est partagée et que « certains y sont fondamentalement hostiles » ;

-      « l’avortement pourrait faire l’objet d’une nouvelle et vigoureuse condamnation de l’Église catholique française ».

 

Enfin, le résultat d’un sondage de l’IFOP est mentionné : « deux Français sur trois sont alors favorables à la libéralisation de la législation sur l’avortement ».


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La Montagne du 27 novembre 1974. 5 bib 2.

 

 

 

 

 

Un nouvel article deLa Montagne du 27 novembre 1974 évoque la volonté de Mme le ministre de la Santé, Simone Veil, de « faire une loi réellement applicable, faire une loi dissuasive, faire une loi protectrice ». Elle ajoute, dans son discours à l’Assemblée, que « la loi sur l’avortement doit mettre un terme au désordre et à l’injustice »


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La Montagne du 17 janvier 1975. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 bib 2

 

 

 

 

 

 

Dans La Montagne toujours, dans un article daté du 17 janvier 1975, où l’on apprend que la loi sur l’avortement n’a pas été retoquée par le Conseil constitutionnel, il est précisé que « les dispositions de la loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse ne sont pas contraires à la Constitution ».

La ministre de la Santé, Mme Simone Veil, indique que la loi « entrera dans les mœurs ».



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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 561 Fi 723

3) Le sport : de spectatrices à pratiquantes

 

L’émancipation des femmes est aussi passée par leur accès à des pratiques sportives, longtemps dédiées aux hommes uniquement.

 

  • A la fin du XIXe siècle et au début du suivant, de multiples résistances institutionnelle, sociale, voire scientifique s’opposent à la pratique du sport par les femmes. « Aux Jeux olympiques, leur rôle devrait être surtout, comme aux anciens tournois, de couronner les vainqueurs » car « une olympiade femelle est impensable, elle serait impraticable » écrit en 1922 Pierre de Coubertin dans son ouvrage Pédagogie sportive. Dans le même ordre d’idée et la même année, le docteur Maurice Boigey, alors médecin-chef de l'École de gymnastique de Joinville, rappelle encore que : « La femme n'est pas faite pour lutter mais pour procréer ».
  • Malgré ces freins, le sport féminin se développe petit à petit, avec même la création de clubs ou d’institutions spécifiques. Un des premiers exemples est la création en 1906 de l’Ondine, à Lyon. « Luttant contre les habitudes surannées de notre siècle, et avec l'intention de faire œuvre utile, nous avons fondé L'Ondine avec le projet arrêté d'apprendre à la fillette dès son plus jeune âge la pratique d'un sport capable de lui donner une constitution plus forte, une poitrine plus large, des muscles plus vigoureux et la facilité de lutter contre les intempéries des saisons et surtout lui donner des habitudes de propreté », précise les statuts de cette association pionnière.

Une carte postale de juillet 1925, éditée en souvenir de la sixième fête fédérale de la Fédération Féminine Française de Gymnastique et d’Education Physique, rappelle que le sport féminin s’est développé et institutionnalisé en France au début de l’entre-deux-guerres. 

 


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La Montagne 18 février 1926. 5 bib 2.

 

 

Une brève de La Montagne, intitulée « Le championnat du monde de tennis », datée du17 février 1926,montre deux instantanés du match Helen Wills (à gauche) Suzanne Lenglen (à droite), qui s’est terminé par la victoire de cette dernière. Celle-ci est considérée comme la première sportive française célèbre.


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Foyer de France. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 BIB 1487

 

Un article du 1er octobre 1943 débute par ces mots : « nous avons eu trop longtemps tendance à ne voir à travers le mot « sport » que les exploits des champions ». Ce constat est modéré par l’initiativedu colonel Pascot (joueur de rugby à quinze, devenu ministre des sports de l’État français) qui est de développer la pratique du sport auprès des Français et surtout des Françaises. « Amener les jeunes Françaises en masse sur les stades, tel fut le but des triathlons féminins qui eurent lieu ces derniers mois ». Plus de 17.000 jeunes filles ont participé à ces triathlons. Un premier succès que le concepteur du projet souhaite voir se développer : « Lorsque les familles auront été convaincues de l’absence de danger, et que les concurrentes auront ainsi « rôdé » leurs muscles, il sera possible de composer des programmes plus difficiles ».


 

 

  • Deux dernières images illustrent bien la féminisation de certains sports « extrêmes », longtemps réservés aux hommes.

La première est une photographie du 11 septembre 1927, illustrant le 3ème rallye aérien national. Plusieurs femmes ont participé à ce meeting d’aviation à Aulnat, au cours duquel la coupe de la Marquise de Sévigné a été remise. Sur l’image on en voit un groupe (des parachutistes ?) posant devant un Caudron. [La société des avions Caudron est un constructeur français d'avions, ayant existé de 1909 à 1933].

 

La seconde est une photographie, toujours prise à Aulnat en septembre de l’année 1953, lors du meeting national de l’Air. Ici, il s’agit d’une femme pilote à bord de son appareil.


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3ème rallye aérien national, 1ère coupe de la Marquise de Sévigné et meeting d'aviation, Aulnat 11 septembre 1927. Femmes devant un Caudron. ©Arch. dép. Puy-de-Dôme, 514 Fi 389

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Meeting national de l'Air, Aulnat 12-13 septembre 1953. Femme pilote à bord de son appareil. ©Arch. dép. Puy-de-Dôme, 514 Fi 821


 

 

 

Conclusion 

L’émancipation des femmes en France a évolué positivement au cours du XXe siècle. La minorité civique et politique qui pesait sur elles est aujourd’hui dépassée.

Pour autant, l’égalité entre femme et homme est encore à parfaire. En politique, par exemple, même si un effort de parité est réalisé au niveau gouvernemental, les femmes députées ne sont que 155 sur 577 ; et à ce jour aucune femme n’a été élue à la fonction suprême.

 

 

 

 

 

Sources utilisées :

 

L’Histoire n° Spécial, de juillet/août 2000 – « Les femmes, 5000 ans pour l’égalité »




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