L'exposition coloniale internationale de 1931
Dossier réalisé, en 2011, par Corinne Dalle et Jean-Michel Viallet.
Il y a 80 ans, du 6 mai au 15 novembre, la France organise une exposition coloniale internationale à Paris, dans le bois de Vincennes. Le projet lancé par Paul Reynaud, alors ministre des Colonies, est porté par le Maréchal Lyautey. Nommé Commissaire général de l'Exposition à l'âge de 76 ans, celui qui avait été le premier Résident général au Maroc, s'enthousiasme pour le projet, qu'il souhaite " monumental, afin de transformer l'événement en haut lieu de l'éducation coloniale des Français" (1).
Mais, bien avant cette date, qui marque l'apothéose de la célébration de la "Plus Grande France ", la République avait une longue tradition de ce genre d'événement. En effet, depuis 1885, des expositions coloniales de moindre envergure ont été organisées dans les grands ports coloniaux (Bordeaux, Nantes ou encore Marseille) et même à Clermont-Ferrand, en 1910.
À cette occasion, le jardin Lecoq a accueilli un "village africain", que d'aucuns dénoncent alors déjà comme un véritable "zoo humain".
Mais, en 1931, dans un contexte de crise économique (dont la France commence à ressentir les effets), tous les territoires de la France d'outre-mer sont représentés à Paris, afin de rappeler aux citoyens de métropole l'importance de l'Empire français.
Le Moniteur, journal local publie avant et durant l'Exposition une série de publicités mettant en avant la grandeur de l'Empire.
Une publication du Commissariat du Ministère des colonies précise même: "la France d'Outremer achète en France d'Europe pour 11 milliards de francs de marchandises diverses contre 9 milliards d'achat à l'étranger, songez combien la crise économique actuelle serait plus sévèrement ressentie par la France d'Europe si elle ne disposait pas de cet admirable marché d'Outremer".
Le succès populaire est considérable. L'exposition reçoit plus de huit millions de visiteurs. Parmi eux, de nombreux instituteurs en formation sont "invités" ; à l'exposition, dans le cadre de "caravanes scolaires" organisées et financées en partie par le Ministère des colonies.
L'un et l'autre de ces deux courriers incitent à développer le "sens colonial" des citoyens et en particulier de la jeunesse. Les caravanes scolaires doivent constituer "le plus efficace des moyens de propagande". Elles doivent aussi participer à la formation des "élèves des Ecoles Normales, qui seront les instituteurs et les institutrices de nos écoles primaires (et) auront à enseigner le grand effort colonisateur de la IIIème République et ses magnifiques résultats".
En province, toujours dans un but de propagande, sont organisées des "semaines coloniales", comme celle de Clermont-Ferrand où celle-ci "fut particulièrement brillante", comme en atteste le compte rendu publié par le Comité National de la Semaine coloniale.
Cependant, ce type d'action n'est pas exceptionnel. Les semaines coloniales existent depuis la fin des années vingt. En 1930, à l'occasion de celle-ci, le recteur d'Académie demande aux écoles du département du Puy-de-Dôme d'organiser des actions spécifiques. Des "causeries ou leçons" ont par exemple été proposées aux élèves de l'Ecole Normale d'instituteurs.
De plus, en écho du grand évènement parisien, des expositions coloniales de moindre envergure ont été organisées en province, comme à Montluçon ou à Clermont-Ferrand. À grand renfort de publicité, on annonce la prochaine venue d'un "spectacle exceptionnel" et le jour "J", le message est on ne peut plus clair : "Ils sont là ! Les Noirs sont arrivés !".
Dans le même ordre d'idée, il est intéressant de relever cette dernière réclame, figurant dans Le Moniteur, annonçant la tenue de la grande braderie de Clermont-Ferrand, à l'occasion de laquelle seront proposés des produits coloniaux.
Il s'agit donc bien, à travers ces différentes actions, de forger chez tous les Français de métropole une véritable "culture coloniale" (2).
Pourtant, des voix se sont élevées contre cette propagande, en particulier lors de l'exposition coloniale internationale de 1931. Un groupe d'écrivains surréalistes (dont Aragon, André Breton, René Char et Paul Eluard) rédigent un tract intitulé "Ne visitez pas l'Exposition coloniale !", dans lequel ils dénoncent le colonialisme.
Les communistes de leur côté, organisent même une "Exposition anti-impérialiste", baptisée "La vérité sur les colonies". Celle-ci, malgré sa durée (de juillet 1931 à février 1932) et de nombreuses visites collectives organisées par les syndicats, ne rassemble que 5000 visiteurs (3).
Finalement, l'Exposition coloniale internationale ferme ses portes le 15 novembre 1931. Le quotidien local La Montagne relate l'évènement.
(2)- Sandrine Lemaire et Pascal Blanchard Culture coloniale. La France conquise par son Empire, 1871-1931 – Editions Autrement (2003)