La reconstruction du presbytère de Saint-Anastaise, quelle affaire !

En 1870, Saint-Anastaise compte parmi les communes les plus petites et les plus éloignées du département. Au décès de son curé en 1871, l’autorité épiscopale, qui peine à trouver un nouveau candidat pour cette paroisse pauvre et isolée, nomme un jeune vicaire et exige de la commune qu’elle reconstruise le presbytère. Malgré l’importante charge financière que représente ce chantier, la commune accepte, jugeant qu’il lui est impossible « de refuser un logement au prêtre appelé à desservir la paroisse ».


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Plan d’un presbytère à construire [pour la commune de Saint-Anastaise], terminé le 1er mars 1872 par Guillaume-Victor Planeix, expert-géomètre à Murols. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 K 533


Les dossiers de construction des bâtiments communaux abondent habituellement la sous-série 2 O (« Affaires communales »), mais un litige opposant le desservant et la municipalité va porter le dossier devant le Conseil de Préfecture (ou tribunal administratif, sous-série 5 K), qui règle les contentieux de paiement et litiges liés, notamment, aux marchés publics.

En effet, dès 1872, la petite commune de Saint-Anastaise connaît des difficultés à réaliser le montage financier, ce qui l’oblige à solliciter des aides exceptionnelles (fonds de secours) et à recourir aux souscriptions privées – dont une somme consentie sous conditions par le vicaire nouvellement arrivé et n’ayant jamais été versée. L’affaire dure 9 ans, de 1877 – date de réception des travaux – à 1886, où les poursuites sont définitivement abandonnées.

 

Outre les pièces comptables nécessaires au règlement du litige, le dossier contient surtout l’ensemble des documents relatifs à la construction de l’imposante bâtisse presbytérale : plans détaillés, cahier des charges, devis, procès-verbal de réception des travaux et un mémoire explicatif et descriptif rédigé par l’architecte. Ces éléments offrent un témoignage précis et complet sur l’édification d’une maison civile bourgeoise à la fin du XIXe siècle – la seule de cette envergure et de cette qualité de construction dans le village ! Bien que conservant certains traits locaux (orientation au sud, vaste charpente cantalienne dite « à chevrons portant ferme » recouverte de lauzes, pierre de taille provenant de Besse et mortiers de pouzzolane), cette habitation se distingue de son environnement par sa taille (165 m² habitables, hauteur de plafond approchant 3 mètres), une individualisation fonctionnelle des pièces (cuisine, salle à manger, 3 chambres, salle de conférence, logis pour les domestiques), le soin apporté au décor et aux finitions (lattis recouverts de plâtre aux plafonds, peintures et tapisserie aux murs, planchers « blanchis à la varlope », décor sculpté des placards de la chambre du curé, motifs moulés des balustres de l’escalier) et enfin au confort (cave, latrines, cheminées, alcôves et garde-robe pour toutes les chambres). Au presbytère est accolée une vaste écurie au sol pavé pouvant accueillir 3 chevaux.

 

Le projet définitif, qui succède à 2 avant-projets modifiés « afin de le rendre convenable à la localité et au climat », est présenté à la commission départementale des bâtiments le 7 mai 1872 par Guillaume-Victor Planeix, expert-géomètre à Murol. Il est accompagné d’un cahier des charges et d’un devis détaillé fourni par l’entrepreneur Jean Aubeuf de Valbeleix (commune proche de Saint-Anastaise), tous approuvés en préfecture le 10 novembre 1873. Soigneusement réalisé, le « plan d’un presbytère à construire » présente le projet en 8 planches sur papier marouflé sur toile, dessinées et écrites à la plume rehaussées d’aquarelle, assemblées en accordéon : plan de situation de la future construction dans le village (n°1) et sur la parcelle avec indication des bâtiments à détruire – dont l’ancien presbytère (n°2), plans, élévations et coupes transversale de la maison-presbytère (n°3 à 8).

Le cahier des charges, quant à lui, fournit de précieuses indications sur la provenance des matériaux : le « manque de voies de communication avec les lieux où devaient se prendre les principaux matériaux » engage l’entrepreneur à réutiliser autant que possible les bois, lauzes et moellons de l’ancien presbytère et faire venir les matériaux les plus lourds des carrières et forêts voisines (carrières de Besse pour les pierres de taille, d’Anglard pour la pouzzolane ou Montredon pour les tuiles de basalte ; forêts de Saint-Genès-Champespe pour les bois de sapin et Saint-Anastaise pour le frêne). Seuls les mortiers de chaux proviennent des fours réputés de Limagne (Reignat).


Plan d’un presbytère à construire [pour la commune de Saint-Anastaise], terminé le 1er mars 1872 par Guillaume-Victor Planeix, expert-géomètre à Murols

Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds du Conseil de Préfecture, 5 K 533




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