Les bobines « Pathé-Baby » de Maurice Bassin : d’Ennezat à la Suède en passant par la Porte-Dorée…

2022 est l’année du centenaire du format cinématographique 9,5mm, développé et largement diffusé par l'entreprise Pathé sous la marque « Pathé-Baby ». L'occasion de présenter la belle histoire de l'acquisition d'un fonds filmique anonyme par les Archives départementales, qui ont fini par mettre au jour quelques-uns de ses secrets...



En 2018, les Archives départementales du Puy-de-Dôme font l’acquisition d’un lot de dix-huit cassettes métalliques noires « Pathé-Baby » : treize « petites » pellicules de neuf mètres de long (soit une quarantaine de secondes d’images chacune) et cinq films de vingt mètres (soit environ une minute et trente secondes par bobine). Bien qu’anonyme, ce fonds a l’avantage d’être bien renseigné : des mentions manuscrites inscrites sur les tranches des cassettes indiquent que la plupart des scènes ont été tournées dans le département entre avril 1930 et août 1934, ce qui justifie l’acquisition. Pour le reste, une enquête s’impose...

Tout d’abord, les indices contenus par les documents filmiques eux-mêmes. Le cinéaste amateur, anonyme, sacrifie aux sujets du genre courants dès cette époque : plus de la moitié des films est consacrée aux amis, aux vacances, aux loisirs et à la famille. Dans cette dernière catégorie, toutes les scènes d’activités et de jeux d’enfants sont captées dans le jardin d’une même demeure sise sur la commune d’Ennezat. Les images de la bobine n°3 sont pour le moins éclairantes : l’avenue sur laquelle marchent les enfants accompagnée d’une femme est celle de la République, et le portail par lequel ils pénètrent dans un jardin est celui de la maison de la famille Bassin, construite à la fin du XIXe siècle par Gabriel Bassin (1864-1934), médecin originaire de Lussat et qui a marqué l’histoire de la commune ; c’est d’ailleurs lui que l’on peut voir, avec son épouse, sur les bobines n°1 et 2.

Des cinq enfants du docteur Bassin, quatre apparaissent dans les films : ses trois filles – Gabrielle, Denise et Germaine – et l’un de ses deux fils, Pierre. Le second, Maurice, n’apparaît jamais sur les images… comme s’il en était l’auteur !


Des recherches menées dans le cadre de la documentation du fonds permettent de glaner des informations complémentaires. La fiche matricule de recrutement militaire de Maurice Bassin livre de précieuses informations : né en 1892 à Ennezat, il étudie le droit quand il est recensé ; après avoir combattu lors de la Grande Guerre – blessé en 1918, il est décoré de la croix de guerre– il semble entamer une carrière à l’étranger : en novembre 1925, il est domicilié en Suède, puis en Norvège ; il devient même « consul de France à Gothembourg » (Göteborg). Il revient ensuite à Clermont-Ferrand avant de s’installer à Paris en 1935, d’abord rue de Courcelles puis rue du Regard ; c’est aussi à Paris qu’il s’est marié en 1920 avec Élisabeth Amiot, et c’est à Paris, où il décède en 1980, qu’il est enterré, dans le caveau de la famille de sa femme.


Ces indices recoupent bien les informations manuscrites portées sur les tranches des cassettes « Pathé-Baby » : c’est très vraisemblablement Maurice Bassin qui filme sa famille dans la maison de ses parents et en différents lieux du Puy-de-Dôme durant sa période clermontoise.


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Les cassettes métalliques noires estampillées « Pathé-Baby » suite à leur achat, avec les différentes informations écrites à la main sur les tranches (cl. Olivier Meunier, 2018)

Mais le fonds permet aussi de le suivre dans ses voyages : les bobines n°8 et 9, dont les informations manuscrites sont difficilement lisibles à l’exception de la date (3 avril 1931), figurent peut-être un séjour en Scandinavie, région d’Europe où Maurice Bassin, on l’a vu, a vécu et travaillé. A côté des images auvergnates, dont celles de processions religieuses, le témoignage le plus précieux de ce fonds est sans doute contenu dans le reportage réalisé au Palais de la Porte dorée à l’occasion de l’Exposition coloniale de 1931 voulue par l’Etat français pour mettre en scène, sur 110 hectares, la richesse et la puissance de son Empire.

Il en va de ces images comme du reste de ce fonds aujourd’hui conservé et consultables aux Archives départementales du Puy-de-Dôme : un précieux reflet de la France de l’Entre-deux-guerres.


Les bobines « Pathé-Baby » de Maurice Bassin : d’Ennezat à la Suède en passant par la Porte-Dorée….

Arch. dép. Puy-de-Dôme, Fonds Maurice Bassin (1930-1934), 54 AV 1 à 18


Remerciements : association « Ennezat, Mémoire et Patrimoine »

 

Visionnez le film "d’Ennezat à la Suède en passant par la Porte-Dorée…."




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