Marinette MENUT (1914-1944)

Cet ultime dossier en ligne sur la thématique des femmes porte sur une figure de la résistante locale, Marinette MENUT.


Née le 16 mai 1914 d’un père et d’une mère instituteurs, elle réussit son bac « A – Philo » en octobre 1933, et poursuit des études de médecine qui sont couronnées de succès le 12 mai 1939 avec l’obtention d’un diplôme de la faculté de pharmacie. Mariée le 15 avril 1941 avec Max MENUT, ils créent tous les deux la « Pharmacie nouvelle », place Doumer à Riom. Très tôt, les époux MENUT s’engagent dans la lutte contre l’Occupant.

 

Dans quelle mesure Anne-Marie MENUT, dite « Marinette », est-elle représentative de la femme résistante ?

 

Il semble utile, de prime abord, de rappeler les péripéties de son entrée en Résistance, avant d’étudier les circonstances de son arrestation et de son exécution, pour enfin aborder l’hommage qui lui a été rendu et la défense de sa mémoire. 


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 2546 W 7565.

  • 1ère partie : l’entrée en Résistance

L’entrée en résistance de Marinette Menut s’est faite en plusieurs temps.

A la fin de l’année 1941, son mari s’engage dans la Résistance « en plein accord avec son épouse bien qu’elle soit enceinte de quelques mois », nous indique Charles Guyotjeannin dans une biographie publiée sur le site des Amitiés de la Résistance (voir adresse ci-dessous).

Max Menut (alias commandant « Bénévole »), est successivement responsable du mouvement « Combat » pour l’arrondissement de Riom, puis chef régional du Service de Santé du 1er Corps Franc, enfin chef du 1er Bureau de l’état-major des M.U.R. (Mouvements Unis de la Résistance). Très vite devenu un « combattant de l’ombre », c’est à sa femme Marinette Menut de faire office de « courrier » pour l’organisation clandestine.

Mais c’est précisément en novembre 1942 qu’elle entre en résistance, comme le relate une attestation signée par Emile Coulaudon (alias « colonel Gaspard ») certifiant l’adhésion de Marinette MENUT à la Résistance et plus précisément au Mouvement « Combat » de Riom.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 2546 W 7565.

Tout en s’occupant de son officine, elle assure alors de nombreuses missions de résistance : ravitaillement en médicaments, en pansements et autres produits de soins ; dépôt et camouflage d’armes ; stockage et distribution de tracts et de journaux clandestins. Elle s’implique aussi dans l’aide et l’abri de juifs ou de résistants. Une nouvelle attestation établie en vue de l’attribution de la carte de Combattant Volontaire de la Résistance stipule qu’« elle a hébergé des réfugiés israélites, Madame Klagsbad et son fils, puis Madame Ingrand, épouse du futur Commissaire de la République de Clermont Monsieur Henri Ingrand ».

 

Le document nous précise qu’« au début mars 1943, recherchée par la Gestapo, elle a échappé de justesse à celle-ci et a rejoint le maquis, laissant la garde de sa fille âgée de neuf mois à ses parents ». 


Un troisième document, une nouvelle attestation renseignée et signée par Laurette Geismar (alias « France »), apporte des éléments intéressants. L’auteur nous explique qu’elle a connu Marinette Menut au mois de mai 1944, qu’elle est « partie avec elle au Mont Monchet (Mouchet) pour l’organisation de l’hôpital clandestin ». « Marinette » participe donc à l'organisation du réduit du Mont Mouchet - un des sommets de la Margeride situé dans le sud-est de l'Auvergne, dans le département de la Haute-Loire - avec les épouses d'Émile Coulaudon (« colonel Gaspard ») et du commandant Dumas. Dès la mise en place du réduit, elle participe à la direction de l'hôpital de campagne comme lieutenant-pharmacien.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 2546 W 7565.



  • 2ème partie : arrestation et exécution

 

Les conditions d’arrestation de Marinette Menut sont assez bien connues et ne portent pas à discussion, mais il existe plusieurs versions contradictoires de sa mort.

 

Lors de l’évacuation du Mont Mouchet, qui débute après deux attaques allemandes les 2 et 10 juin 1944, Marinette Menut atteint le « réduit » cantalien de la Truyère, près du village de Maurines.

Le 20 juin, les troupes allemandes attaquent les résistants, avec force artillerie, blindés et aviation. À 22 heures, l’ordre est donné d’évacuer. Marinette Menut reste avec un groupe d’une soixantaine de blessés et prend la direction du village de Saint-Just. Ce convoi est aussi escorté par son mari, son père et les docteurs Reiss (alias « Raymond ») et Canguilhem (alias « Lafont »).

Le 22 juin, la Wehrmacht encercle le convoi à Estrimiac, tout près du village de Saint-Just. Les Allemands achèvent les résistants blessés et tuent également le docteur Reiss et le père de Marinette Menut.

« Au cours de cet engagement, Marinette, qui est restée avec ses blessés, se saisit de la mitraillette de l’un d’entre eux et fait feu, jusqu’à ce que, blessée dans la région rénale, elle soit faite prisonnière », précise Charles Guyotjeannin.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 908 W 149.

 

Marinette Menut arrive au siège de la Gestapo de Chamalières le 27 juin où elle subit « d’abominables tortures ». C’est ici que les versions sur sa mort divergent.

Selon un courrier de Monsieur Grégoire, délégué Régional du Service de Recherches des Crimes de Guerre ennemis (cote 908 W 149), Marinette Menut « mourut dans la prison allemande de la caserne du 92e RI à Clermont-Ferrand ».

Dans un rapport de plainte, Madame Alice Athènes (née Fournier), qui était aussi prisonnière des Allemands au 92e RI, donne quelques précisions importantes : « la mort de Madame Menut est un véritable assassinat accompli avec préméditation et cruauté, elle fut abandonnée sans soins : jusqu’à ce que la gangrène eut accompli son œuvre ».


La version la plus connue de la mort de Marinette Menut est celle d’une exécution par les troupes allemandes le 19 juillet sans doute à Clermont-Ferrand ou à Aulnat, comme l’indique l’attestation de Madame Laurette Geismar déjà citée.

Un rapport de la Direction Générale de la Police Nationale (cote 908 W 89) permet de confirmer qu’elle est ensuite enterrée dans un trou d’obus « sur le terrain d’aviation d’Aulnat à proximité de la route de Pont du Château » avec dix autres cadavres « lesquels se trouvaient dans un état de putréfaction très avancée. Huit de ceux-ci ont été identifiés ».

« Le cadavre contenu dans le cercueil n°11 est celui de Mme Menut née Lafaye Anne-Marie Jeanne […]. Elle a été formellement reconnu par Guichard Roger […], grâce à sa tête, ses cheveux, ses pantoufles et un pansement sur le dos ».


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 2546 W 7565.

 

 

 

 

 

Un extrait des minutes du Greffe du Tribunal de Grande Instance de Clermont-Ferrand, en date du 18 décembre 1944, confirme que son corps a été découvert avec dix autres cadavres dans une fosse commune « sur le terrain d’aviation d’Aulnat ».

« Huit de ces cadavres ont été identifié avec certitude, notamment par des documents et indices vestimentaires ».


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 BIB 2 (25 novembre 1944).

 

 

 

 

 

 

Cette information est relayée par la presse locale, dans un article de La Montagne du 25 novembre 1944, intitulé « Quatre nouveaux cadavres sont déterrés », relatant que parmi ces corps et les sept autres découverts précédemment, cinq ont été identifiés, dont celui de « Mme Menut, épouse du commandant Bénévole ».


 

 


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 BIB 2 (28 novembre 1944).

  • 3ème partie : hommage et mémoire

 

Un vibrant hommage est rendu à Marinette Menut lors de ses obsèques, ainsi qu’en témoignent deux articles de presse.

Le premier est publié par La Montagne du 28 novembre 1944. Il est intitulé « Emouvants obsèques de trois martyrs de la Résistance » et évoque la cérémonie d’obsèques de Marinette Menut (rebaptisée maladroitement Georgette dans l’article) : « Le colonel Garcie, en termes émouvants, fit l’éloge de la disparue. Il rappela la vie simple et courageuse de cette femme de France infirmière au mont Mouchet, qui, blessée et capturée par les Allemands, refusa, même sous la torture, de livrer ses camarades » ; en fin d’article est précisé que « le colonel Gaspard, au nom du général de Gaulle, épingla la croix de la Légion d’honneur sur le drap mortuaire ».


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 BIB 1633 (02 décembre 1944).

 

 

 

Un article du MUR du 2 décembre 1944, intitulé « Nos martyrs » relate lui aussi, dans sa première partie, les obsèques civiles de Marinette Menut : « cette cérémonie dans sa poignante dignité, laissera pour longtemps des traces douloureuses dans le cœur de tous ceux qui ont tenu à rendre hommage à la meilleure d’entre nous tous ».


Dans la même publication , un article du 3 novembre 1945, intitulé « Souvenez-vous ! » et signé par le colonel Gaspard, rappelle le rôle des résistants, vieux, jeunes, hommes et femmes, dont Anne-Marie Menut, « une femme sublime, blessée à La Truyère, l’arme à la main pour défendre ses blessés, avant d’être emmenée, torturée, achevée par les Vernières et les Sautarel ». La conclusion de l’article allie à nouveau l’ensemble des résistants auvergnats « Vous avez, amis, libérés la France !... Nous saurons, nous, imposer aux inconscients ou aux faibles, la construction de la République dont vous aviez rêvé et pour laquelle vous êtes morts ».


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 bib 1633 (03 novembre 1945).

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Au-delà des mots, plusieurs décisions ont été prise afin d’honorer la mémoire de Marinette Menut, comme le rappelle fort justement Charles Guyotjeannin : « la légion d’honneur lui fut attribué le 1er mars 1945 à titre posthume, ainsi que la Croix de guerre et la Médaille de la Résistance. Le souvenir de Marinette Menut a été perpétué par le baptême d’une place portant son nom à Riom et de deux rues, l’une à Clermont-Ferrand, l’autre à Cusset. […] Une plaque a été posée à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand ».


Marinette Menut est donc une figure bien représentative de la femme résistante : d’abord soutien moral de son mari devenu un des chefs du Mont Mouchet, elle s’engage activement à ses côtés jusqu’à prendre les armes lors de l’attaque allemande de la Truyère en 1944. Elle est blessée et arrêtée à cette occasion. Interrogée et torturée au « 2 bis avenue de Royat » (siège de la Gestapo), elle meurt sans avoir livré aucune information.

Au même titre que Germaine Tillion (entrée au Panthéon en 2015) et Claude Virlogeux, elle fait partie des femmes auvergnates remarquables qui se sont engagées avec courage dans la lutte contre l’occupation nazie et la politique de collaboration de l’État français.

 

 

Lien :  les amitiés de la resistance.fr/Marinette Menut





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Objectifs pédagogiques

- Ce dossier est également contenu dans le dossier 17 – Histoires de femmes.

- À partir d’un dossier documentaire ordonné et commenté, établir le portrait d’une figure locale de la Résistance, Marinette Menut.

- Identifier les acteurs de la période de l’Occupation en Auvergne.

- Caractériser des actes de résistance et leurs conséquences à travers l’exemple de Marinette Menut.