Une façade pour la cathédrale de Clermont

Issu du fonds du chapitre cathédral, ce dessin présente un projet pour la construction de la façade occidentale de la cathédrale de Clermont ; bien qu’il n’ait jamais vu le jour, il constitue un exemple remarquable de l’architecture flamboyante de la fin du XVe siècle.


En cette fin de Moyen Âge, la construction de l’édifice, qui a débuté dans les années 1240, n’est toujours pas achevée : le contexte, notamment économique, de la guerre de Cent Ans a mis un coup d’arrêt au chantier, qui n’a pas connu d’avancées majeures depuis le milieu du XIVe siècle.

Le chapitre, maître d’œuvre, décide alors d’achever les travaux par une campagne d’ampleur : ainsi qu’en témoigne une estimation confiée en novembre 1496 à quatre « maistres maçons et gens expers », il s’agit de terminer le portail et les deux tours du transept sud, de réparer une tour côté nord, de construire la moitié ouest de la nef et la façade occidentale, et d’intervenir sur la toiture. Le devis total s’élève à 100 300 livres tournois, somme considérable, dont 55 000 livres pour la seule façade occidentale, pour laquelle il est prévu de faire « troys portaulx, ung grant et deux petiz, ensemble deux grosses tours en façon de clouchier ».


C’est vraisemblablement dans le cadre de cette estimation qu’a été produit ce dessin présentant le projet pour la façade occidentale ; il semble pouvoir être attribué à Pierre Montoloys, l’un des quatre maîtres consultés, à qui l’on doit notamment le portail et la rose de la collégiale de Montferrand.


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Projet pour la façade de la cathédrale de Clermont (vers 1496) Arch. dép. Puy-de-Dôme, 3 G Arm 18 Sac B Cote 29


Le parchemin, haut de 1,40 m, montre une projection du portail central et du portail latéral sud (le portail latéral nord étant censé être le symétrique de ce dernier, il n’y figure pas par souci d’économie). Il présente l’intérêt de cumuler les fonctions technique et démonstrative ; d’une grande rigueur géométrique, il est particulièrement soigné plastiquement – on peut remarquer le soin apporté aux détails des gargouilles ou encore des feuilles ornant les frontons, ainsi que les effets de perspectives permettant à un œil non averti d’envisager le rendu final. Il s’agit donc tout à la fois d’un document pratique, directement utilisable sur le chantier pour servir de guide au maître d’ouvrage durant la construction, et d’un document d’apparat, destiné à attirer l’attention de mécènes potentiels - notamment l’évêque Charles de Bourbon (1488-1504), dont les armes apparaissent sur le portail latéral.

La mouluration des portails est d’une complexité inédite dans les réalisations flamboyantes locales de l’époque, et le second niveau, comportant un placage de mouchettes inclinées sur une grande hauteur, est sans équivalent à cette échelle : il s’agit d’un projet innovant, dans l’esprit de l’architecture flamboyante de la fin du XVe siècle.

(Trop ?) ambitieux, il n’a jamais vu le jour, faute de financements : ce n’est qu’au XIXe siècle que la cathédrale de Clermont a fini par obtenir sa façade occidentale, érigée par Viollet-le-Duc, à l’aspect bien différent de ce projet de la fin du Moyen Âge.

Le fonds du chapitre cathédral est conservé aux Archives départementales du Puy-de-Dôme dans la sous-série 3 G. Son inventaire est disponible en salle de lecture.


Source complémentaire :

Arch. dép. Puy-de-Dôme, 3 G PS 1050 2, Devis et estimation de la dépense qu’il conviendrait de faire pour finir entièrement le bâtiment de l’église cathédrale de Clermont, 1496.

Bibliographie :

DAVIS, Michael T., « “Troys Portaulx et Deux Grosses Tours”: The Flamboyant Façade Project for the Cathedral of Clermont », Gesta, XXII, 1, 1983, p. 67-83.

France 1500 : Entre Moyen Âge et Renaissance, Paris : RMN, 2010, p. 59.

COURTILLÉ, Anne, La cathédrale de Clermont, Clermont-Ferrand, 1994.


 

Esquisse pour la façade de la cathédrale de Clermont [v. 1496]

Arch. dép. Puy-de-Dôme, 3 G Arm 18 Sac B Cote 29




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