Pourquoi changer d’heure ?

Juin 1916 : la guerre fait rage, la France mobilise toutes les ressources du pays pour subvenir aux besoins militaires. C’est l’« effort de guerre », mobilisation sociale et industrielle qui affecte tous les aspects de la vie quotidienne, jusqu’à l’heure légale : dans la nuit du 14 au 15 juin 1916, une décision ministérielle impose, pour la première fois en France et pour une durée de trois mois, le « passage à l’heure d’été ».


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Circulaire télégraphique du ministère de l’Intérieur aux préfets (23 mars 1917). © Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds de la Préfecture, M 3808.


Par circulaire du ministère de l’Intérieur – la loi ne sera promulguée, après maints débats, que le 19 mars 1917 – la population française est invitée à décaler d’une heure ses activités quotidiennes et économiques afin que ces dernières correspondent au temps d’ensoleillement. Rappelé dans la circulaire avant d’être diffusé par voie d’affichage et voie de presse, « le but principal de cette mesure est d’économiser chaque jour une heure de lumière artificielle et par conséquent réserver à la défense nationale une quantité considérable de charbon et de pétrole actuellement dissipés en éclairage inutile. ».

 

Chargés d’en faire appliquer les effets dans leur département, les préfets organisent en pratique le changement d’heure qui impacte lourdement, le temps d’une nuit, les agents des services des Postes et télégraphes, communaux et ferroviaires : « à 11 heures du soir, toutes les horloges publiques [et elles sont nombreuses, en 1916, à orner les frontons des bâtiments de la IIIe République !] (horloges des chemins de fer, des bureaux de poste, de tous les établissements relevant de l’État et des communes) seront avancées d’une heure, leur aiguille passera brusquement de 11h à minuit ».

 

D’abord expérimentale et pensée comme temporaire, le temps de la guerre, la mesure est encadrée par décrets deux fois par an, qui fixent la date de mise en application. Entre 1916 et 1924, le passage à l’heure d’hiver est stabilisé les premiers jours d’octobre ; en revanche, celui à l’heure d’été oscille entre le 1er mars (1919) et le 14 juin (1916). En 1923, une nouvelle loi pérennise le dispositif et fixe les règles des dates du changement d’heure (dernier samedi de mars au plus tôt, premier samedi d’octobre au plus tard).


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Diffusion de la circulaire par voie d’affichage : affiche imprimée (1916). © Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds de la Préfecture, M 3808

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Facture de l’imprimerie Montlouis pour l’impression des affiches préfectorales (13 juin 1916). © Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds de la Préfecture, M 3808


Le dossier conservé aux Archives départementales dans le fonds de la Préfecture (cabinet du Préfet) témoigne de la mise en œuvre de cette mesure exceptionnelle en temps de guerre par le préfet du Puy-de-Dôme et de la nécessité de transmettre rapidement l’information : entre 1916 et 1918, la circulaire ministérielle fixant dates et conditions, transmise sous forme de télégramme (circulaire télégraphique), est transcrite par une affiche destinée à l’information large de la population.

La mesure est assez impopulaire : plusieurs pétitions en témoignent (la première en 1917 par les mineurs de Charbonniers), qui sollicitent la suppression du changement d’heure en été. En cause (déjà…) : la difficulté d’adapter les horaires ouvriers et la crainte d’un temps de travail accru ; ou la difficulté en milieu rural, de faire coïncider travaux agricoles réglés sur le soleil et nouveaux horaires d’ouverture des marchés et établissements publics.

De leur côté (déjà…), les communes à vocation touristique et l’Union des Fédérations des syndicats d’initiative militent quant à elles en faveur du maintien de l’heure d’été, bénéfique aux activités de loisirs et qui permet « […] aux touristes, baigneurs et villégiateurs [de] jouir d’heures supplémentaires de lumière et d’air pur pour leurs excursions et leurs promenades […] ».

 

Entre 1941 et 1945, la mesure de 1916 est maintenue mais le pays passe « à l’heure allemande » afin de s’aligner sur l’heure de l’envahisseur pour permettre la régulation des horaires des trains circulant entre zone occupée et zone libre. Une heure est ajoutée à l’heure d’été de 1916, ce qui introduit donc un décalage de deux heures par rapport à l’heure solaire. En 1945, « l’heure allemande » est supprimée, mais sans revenir à l’heure solaire d’avant 1916… d’où le décalage retrouvé en 1973, année de rétablissement de la mesure pour faire face à la crise pétrolière !


Circulaire télégraphique du ministre de l’Intérieur aux préfets (23 mars 1917)

Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds de la Préfecture, M 3808

 

 




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