La conscription au fil du temps

« La vie à la caserne », dessin de Charly, Le Moniteur, supplément comique et amusant du 9 juillet 1

« La vie à la caserne », dessin de Charly, Le Moniteur, supplément comique et amusant du 9 juillet 1905, 8 BIB 504

Ancien Régime

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La conscription trouve son origine dans les milices d’Ancien Régime. Elles sont un héritage du système féodal qui oblige les vassaux à faire la guerre avec le Roi, les vassaux eux-mêmes convoquant le ban et l’arrière-ban pour partir au combat.

Issus de milieux pauvres et ruraux pour la plupart, les miliciens, célibataires de 20 à 40 ans étaient désignés dans chaque paroisse (50 hommes par paroisse) pour une période de deux ans pendant laquelle ils pouvaient être convoqués pour prêter mains fortes à l’armée professionnelle (ordonnance de Louvois, 29 novembre 1688). Ils ont été tirés au sort à partir de 1691.

Selon les époques, l’âge minimal a varié, il est passé à 16 ans (ordonnance de 1726). En 1742-1743, les exemptions dont bénéficiaient certaines villes ont été abrogées, permettant un rééquilibrage de la répartition entre citadins et ruraux.

Au fil du temps, les milices ne furent plus réunies que quelques semaines par an en temps de paix, contre 6 ans en 1726. Certaines paroisses préféraient payer des soldats volontaires plutôt que d’envoyer « leurs » hommes. Ce système de remplacement n’était pas autorisé officiellement, mais il était largement pratiqué et toléré.

A partir de 1775-1778, les hommes capables de servir la milice furent simplement inscrits, en vue d’une éventuelle levée en cas de guerre : la milice n’existait quasiment plus en temps de paix.

Lorsque la révolution éclate, ce système est largement critiqué à travers les cahiers de doléances.

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Révolution et Empire : la Nation en armes

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En guerre contre les monarchies européennes coalisées, la France de la Révolution, déclara en septembre 1792 « la Patrie en danger » : tous les citoyens en état de porter les armes pouvaient être appelés pour défendre leur pays. S’ensuivit la bataille de Valmy en septembre qui redonna courage au peuple français. Cet état ne dura cependant pas, et face au manque de volontaires il fallut recourir en février 1793 à une levée de 300.000 hommes. Ce recrutement concernait les célibataires et veufs de 18 à 40 ans. L’impopularité du système, déjà largement dénoncé dans les cahiers de doléances, ne faiblit pas, entrainant désertions et soulèvements (notamment en Vendée). Les plus farouches défenseurs de la Révolution s’étaient déjà engagés lors des premiers appels aux volontaires.

Les effectifs de l’armée en forte diminution ne permettaient pas de faire face aux guerres qui se déclaraient un peu partout en Europe. L’objectif de 300.000 hommes n’ayant pas été atteint, la levée en masse de tous les célibataires et veufs de 18 à 25 ans fut décidée le 23 août 1793.

Ainsi, l’armée dispose des effectifs suffisants, pour quelques temps, jusqu’à ce que les désertions, les maladies et la mort rendent nécessaire une prochaine levée.

Le 19 fructidor an VI (5 septembre 1798) fut adoptée une loi préparée par le général Jourdan : tous les français âgés de 20 ans étaient inscrits « ensemble » (conscrits) sur les tableaux de recrutement, et restaient mobilisables jusqu’à 25 ans ; ceux nés la même année formaient une « classe » ; un « conseil de révision » (cantonal) se prononçait sur l’aptitude des conscrits à servir sous les armes Le service durait alors 5 ans (en temps de paix). Les plus jeunes partaient les premiers, les plus âgés étaient appelés en cas de besoin.

 

La conscription avait pour but de recenser les jeunes hommes sur qui la Nation pouvait compter en cas de danger. On fixait un nombre de personnes nécessaires, le contingent, et le tirage au sort (réintroduit dans la loi du 28 germinal an VII – 17 avril 1799) déterminait ceux qui devaient partir.

 

Avec la Révolution, la guerre devient le fait de la Nation et non plus celui du Roi, elle est donc l’affaire de tous les citoyens. La conscription repose sur l’idée du citoyen-soldat, qui a le devoir de défendre son pays.

 

La conscription petit à petit s’ancrait dans la vie des français.

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XIXe siècle

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La conscription supprimée en 1814, fut rétablie en 1818, faute d’un nombre suffisant de volontaires (loi Gouvion Saint-Cyr).

De 1855 à 1868, pour échapper au service, les conscrits pouvaient verser une somme à la caisse de dotation de l’armée.

A partir de 1868, les hommes qui n’ont pas été appelés formaient la garde nationale mobile qui prêtait main-forte à l’armée en temps de guerre ; elle fut dissoute peu après 1870, mais ce sont ses membres qui résistèrent à l’invasion prussienne.

La possibilité de se faire remplacer fut supprimée par la loi du 27 juillet 1872. Tous les hommes aptes partaient, et le tirage au sort servait désormais à fixer la durée du service, les uns faisaient un an, les autres cinq (pour les numéros les plus petits).

En 1879 furent abrogées les exemptions, telles que celles des séminaristes et des instituteurs.

En 1889, la durée du service fut fixée à 3 ans pour tous, le tirage au sort servant à déterminer l’arme d’affectation.

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XXe siècle

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Avec la IIIème république, l’armée et l’école deviennent les deux piliers de la Nation pour préparer l’armée de la revanche.

La loi du 21 mars 1905 fixa la durée du service à 2 ans. Le service devint national, personnel (le remplacement n’était plus admis), obligatoire et d’une durée identique pour chacun. Le service militaire était alors un élément favorisant l’intégration et la cohésion sociales. Les habitants de la campagne s’initiaient aux progrès techniques ; alimentation, habillement et genres de vie s’uniformisaient.

En 1913, la durée revint à 3 ans.

En 1923, la lassitude, la fin de la menace allemande et le coût financier de la guerre eurent pour conséquence de ramener la durée du service à 18 mois, puis à 1 an en 1928.

La menace allemande grandit dans les années 30 au moment où les classes creuses (déficit des naissances de la première guerre mondiale) provoquaient une baisse mécanique du contingent. Pour pallier ce manque, la durée du service fut portée à 2 ans en 1935.

L’armistice du 22 juin 1940 supprima le service militaire, auquel se substituèrent les Chantiers de jeunesse. Les jeunes de 20 ans y étaient incorporés pour une période qui a varié de 6 à 8 mois. Il s’agissait d’un service civil où les jeunes étaient employés à divers travaux, tels que du déboisement. Clandestinement, certains de ces jeunes étaient formés au maniement des armes et incorporaient des groupes de résistants.

En 1947, la durée du service revint à 1 an pour ne pas affaiblir l’économie en pleine reconstruction, mais l’engagement envers l’OTAN de mettre en place une vingtaine de divisions, obligea la France à revenir à une durée de 18 mois.

Quand éclata la guerre d’Algérie, certaines classes furent rappelées, et les conscrits furent maintenus dans les combats algériens au-delà des 18 mois. A la fin de la guerre, la durée fut réduite à 18 mois, puis à 1 an en 1970.

Le code du service national adopté le 10 juin 1971 élargit la notion de défense nationale au-delà du militaire (on ne parla plus désormais de service militaire mais de service national).

Le service pouvait revêtir une forme civile : coopération, aide technique, objection de conscience, sécurité civile, police nationale.

Le service national était de plus en plus remis en question : moins des trois quarts des jeunes d’une classe y étaient soumis  du fait d’exemptions physiques, psychiques, administratives ou sociales. En outre, les conscrits étaient traités de manière inégalitaire (au vu du nombre de permissions et de l’éloignement géographique de l’affectation).

François Mitterrand en 1992 fit passer le service à 10 mois.

La sophistication et le coût du matériel, la nécessité de rapidité des interventions extérieures étaient peu compatibles avec le système de conscription.

Malgré de nombreux débats sur la crainte de voir se déliter l’unité nationale, Jacques Chirac, en annonçant le 28 mai 1996 la suspension de la conscription, mit le point final à un processus engagé depuis longtemps.

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