La violence dans la cellule familiale

Dans ce deuxième épisode, c’est la violence dans le cadre de la cellule familiale qui est abordée. Sept affaires sont relatées ici.


1823- Infanticide

 

Inquiète de ne pas voir Marie Durif, le 4 mai 1822, sa voisine se rend chez elle. Elle la découvre accroupie dans l’étable au milieu des brebis. Soupçonneuse, elle avertit des proches. Ceux-ci se rendent à l’étable, constatent l’absence de Marie Durif, mais remarquent une grande quantité de sang sur le sol. On découvre Marie alitée, qui ne répond que vaguement aux questions posées. Finalement, elle déclare avoir accouché seule d’un bébé mort-né, qu’elle a posé sur le coffre de la chambre. Le cadavre est alors remis à un médecin en présence du juge de paix.

Une autopsie est ensuite pratiquée sur le nourrisson de sexe masculin. Il s’avère que celui-ci ne souffre d’aucune blessure mais le cordon ombilical a été arraché au lieu d’être ligaturé, entrainant une hémorragie, et par conséquent la mort.

La jeune femme est accusée d’avoir volontairement donné la mort à l’enfant.

Cette affaire est particulièrement intéressante sur plusieurs points. Tout d’abord, quelques pièces révèlent un contenu riche pour la criminologie de l’époque. Ainsi, le compte-rendu d’autopsie du nouveau-né est particulièrement détaillé et témoigne, non seulement de l’attention porté à ce type d’affaires, mais aussi du souci de ne pas conclure hâtivement à un infanticide. De plus, il témoigne des connaissances médico-légales de l’époque. La jeune fille s’enfuyant et se soustrayant à la justice, la procédure mise en place révèle un cas intéressant. Une prise au corps est demandée sans résultat, suite à une notification de l’arrêt d’accusation sans le moindre effet non plus. S’ensuit une notification au domicile de l’intéressée, sans succès, avec affichage de la notification en place publique.

Déclarée rebelle à la loi, elle est suspendue de ses droits de citoyenne, ses biens sont séquestrés (en vue de payer des frais de justice).

Ainsi, Marie Durif est condamnée définitivement le 22 mai 1823 à la peine de mort par contumace.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 25178

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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 25178

Le 23 octobre 1822

Le vingt neuf janvier mil huit cent vingt-trois, à la requête de Monsieur le procureur général en la cours Royale de Riom, lequel fait élection de domicile en son parquet au palais de justice ; Je soussigné Etienne Barsse huissier Royal reçu et assermenté au tribunal de première instance de l’arrondissement de Riom…. patenté a la mairie de Saint-Gervais pour 1822 n°2. Résidant à Saint-Gervais ; me suis transporté accompagné des sieurs Pierre Paitre et Jean Blanchat gendarmes Royaux de la brigade…. A la Résidence de Saint-Gervais, au domicile de Marie Durif, fille majeure de Jean, cultivateur demeurant au Charnetier ,  commune de Saint-Gervais à laquelle j’ai signifié et donné copie en parlant à Amable Macon, sa mère…. 1° de l’arrêt rendu par la cour Royale de Riom (chambre d’accusation) le onze du courant ; 2° de l’acte d’accusation contre elle dressé en vertu de cet arrêt en date du dix-sept de ce même mois, le tout signé par Armand,  greffier en chef ;  j’ai demandé  à Amable Macon…. Ou étoit ladite marie Durif ; elle m’a répondu que depuis les premiers jours du mois de mai dernier, Marie Durif, sa fille, avoit quitté la maison et pris la fuite et qu’elle étoit dans l’impossibilité de  déclarer  le lieu qu’elle habitoit ; en conséquence ayant posté les deux gendarmes, ci-dessus dénommés, à la porte du domicile de ladite marie Durif, je me suis transporté dans les maisons des nommés Gervais Nenot et Antoine Marsse, tous deux voisins de la prévenue cultivateurs, demeurant au Charnetier commune de Saint-Gervais, lesquels j’ai sommé en parlant à leurs personnes de m’accompagner dans les recherches que je me propose de faire de la personne, de la prévenir et en son domicile ; à quoi lesdits Gervais Nenot et Antoine Marsse ont de suite satisfait ; et en leur présence et de retour au domicile de marie Durif, j’ai sommé Amable Macon sa mère, de m’ouvrir à l’instant toutes les chambres, granges, grenier et écuries comptant cette habitation, l’effet par moi de faire les recherches et perquisitions nécessaires ; Amable Macon y a de suite obtempéré ; et ayant en présence desdits deux voisins appelés et des gendarmes requis visité tous les appartements dépendants de la maison et formant le manoir de la dite Marie Durif et de la famille, je n’ai pu rencontrer la prévenue, malgré les perquisitions les plus exactes, de tout quoi j’ai dressé le présent procès-verbal qui sera avisé par Monsieur le Maire de cette commune ou son adjoint, conformément à la loi et j’ai laissé copie dudit procès-verbal au domicile de ladite Marie Durif (…), lequel a été signé par les sieurs paitre et Blanchet gendarmes, Gervais Nenot et Antoine Marsse ayant déclaré ne savoir signer (…).


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 25178

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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 25178

 

 

 


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 10775

1858 – Infanticide

 

Arrêtée au printemps 1857, Françoise Hélène, domestique âgée de vingt-huit ans habitant le village d’Esbelin (commune du Vernet), est accusée d’infanticide.

La découverte du corps sans vie d’un enfant nouveau-né de sexe féminin, dans un réservoir sis près du bourg d’Esbelin, provoque l’ouverture d’une enquête diligentée par le juge de Paix de Sauxillanges. Après quelques semaines d’investigations, les soupçons se portent sur ladite Françoise Hélène. Les examens médicaux pratiqués, les preuves matérielles découvertes (habits tâchés de sang) et surtout « les tergiversations et les contradictions dans lesquelles tombait cette fille pour expliquer les faits », finissent par acculer la jeune femme aux aveux. Ceux-ci se déroulent en deux temps. Tout d’abord, Françoise Hélène explique au Juge de Paix qu’au moment de l’accouchement, six semaines auparavant, « elle était debout au moment de sa délivrance, que l’enfant était tombé et qu’en tombant, il avait pu se faire mal ». Elle modifie ensuite cette version devant le juge d’Instruction, en ajoutant que l’enfant était tombé sur une pierre, choc qui avait provoqué sa mort. Or, cette seconde version ne cadre ni avec le lieu où s’étaient déroulés les faits, l’étable « totalement garnie de paille », ni surtout, avec les constatations de l’expert médical : la mort « ne peut être le résultat d’un accident involontaire, mais (qu’) elle a dû être produite par un choc très violent de la tête sur un corps dur quelconque ».

Malgré ces conclusions, la cour d’Assises ne retient que l’infanticide involontaire et, en mai 1858, l’accusée Françoise Hélène, est finalement condamnée à deux années d’emprisonnement et à 150 francs d’amende.


 

 


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 10782

1862 – Homicide, l’affaire Lyon.

 

Aux Roches, sur la commune de Perrier, un coup de feu retentit à la nuit tombée du 25 octobre 1862. Antoine Delorme, blessé à la mâchoire s’écroule. Grièvement blessé, il est transporté à l’hôpital d’Issoire où il révèle aux enquêteurs qu’il revenait chez lui après avoir volé des betteraves dans un champ non loin de loi. On soupçonne alors le propriétaire du champ, un meunier, de s’être fait justice. Or, très vite, on s’aperçoit que le coup de fusil a été tiré à bout portant.

Après avoir interrogé la sœur d’Antoine Delorme, on apprend que son épouse, Jeanne, et son beau-frère, Antoine Lyon, l’accompagnaient pour commettre le vol de betteraves. En effet, il a avoué à sa sœur qu’ils étaient tous les trois pour ce forfait. A leur retour, alors que sa femme marchait derrière lui et que son beau-frère se tenait à sa hauteur, il a été atteint par balle sans savoir d’où le tir provenait. Blessé, il se traîne jusqu’à son domicile où il ne trouve que sa belle-mère. Visiblement, son épouse et son beau-frère sont allés se débarrasser de l’arme du crime sans savoir que le coup n’avait pas été fatal à Antoine Delorme.

 

Pourquoi l’épouse et son frère ont-ils fomenté ce crime ?

Antoine Delorme est très attaché à son épouse Jeanne. Mais, il s’avère que cette affection n’est pas réciproque. En effet, le couple a vécu à Paris durant quelques temps. Delorme s’est aperçue que sa femme le trompait, et a même porté plainte pour adultère. Au cours de l’été 1862, il prend la décision de revenir en Auvergne dans sa famille espérant mettre un terme à l’infidélité de son épouse.

Mais les échanges épistolaires entre jeanne et son amant parisien se poursuivent en toute discrétion par l’intermédiaire du jeune frère de celle-ci, Antoine Lyon.

 

On peut penser que Jeanne a souhaité se débarrasser de son mari pour rejoindre son amant et qu’elle ait entraîné son frère dans ce projet funeste.

 

Au final, en 1863, Antoine Lyon est accusé d’avoir tenté de commettre un homicide sur Antoine Delorme et Jeanne Delorme d’avoir préparé et commandité cet assassinat. Antoine Lyon est condamné à 20 ans de travaux forcés par la cour d’Assises de Riom. Quant à Jeanne Delorme-Lyon, elle se voit condamnée à une peine de travaux forcés à perpétuité.

 

Ces peines seront légèrement réduites en 1873, 1876, 1880 et 1883 par décision du président de la République.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 10787

1865 – Viol et tentative d’avortement

 

En avril 1864, François Guyonnet, dit « L’Etalon », ouvrier maçon âgé de 35 ans, commet un viol sur sa nièce Anne Collange, âgée de 17 ans, demeurant chez ses parents au village de Colombier, commune de Sauvagnat. Celle-ci se retrouve enceinte des agissements de son oncle et le lui annonce. La réaction de ce dernier est sans équivoque : « tu ne risques rien, je te donnerai quelque chose pour le faire descendre ». Et, en effet, quelques jours plus tard, François Guyonnet revient vers sa nièce et lui demande de boire le contenu d’une fiole, ce qu’elle refuse, de peur d’être empoisonnée. Alors, l’accusé n’hésite pas à employer d’autres moyens, que relate Anne Collange dans sa déposition : « il appuya violemment son genou sur mon ventre ; cela me fit tant de mal que j’ai cru qu’il me tuait ». L’enquête qui débute au cours du mois d’août 1864, arrive à la conclusion suivante : ledit François Guyonnet a bien tenté de faire avorter après avoir commis un viol, non pas sur une mais sur deux de ses nièces. En effet, la sœur aînée d’Anne, Marie avait elle aussi subi « les agissements infâmes » de son oncle quelques mois auparavant. Se sachant poursuivi le suspect quitte alors précipitamment la région d’Herment, non sans avoir pris le temps de vendre les quelques biens qu’il possédait.

Le 20 mai 1865, François Guyonnet, est finalement condamné par contumace à vingt années de travaux forcés. De plus, la Cour décide l’insertion de son arrêt de condamnation dans la presse locale. Enfin, le condamné est aussi soumis à la « surveillance de la haute police pendant toute sa vie », ce qui explique que l’on retrouve sa trace en 1885 à Montpellier et qu’une enquête est rouverte à cette occasion. Mais François Guyonnet échappe alors à nouveau à la Justice.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 10787


 

 


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 27213

1865 – Coups portés sur parents

 

La Cour impériale de Riom rend le 20 octobre 1865 l’arrêt suivant : Etienne Dahut, âgé de 42 ans, est renvoyé devant la Cour d’Assises pour y être jugé sur l’accusation d’avoir volontairement depuis 10 ans porté des coups ou infligé des blessures à son père et à sa mère.

 

Le fait que les coups portés et les blessures occasionnées soient dirigés contre ses parents légitimes constitue des circonstances aggravantes. Ceci explique en partie qu’il soit jugé par la Cour d’Assises. En outre, le personnage n’est guère sympathique, et la Cour impériale liste les charges contre lui. Brutal, s’adonnant à la boisson, sans travail, il bat fréquemment ses parents, sa sœur et leur vole de l’argent. De nombreux témoins attestent ces faits. De surcroît, il s’est adonné à plusieurs voies de faits sur des habitants du quartier. Il s’est livré également à de multiples attentats à la pudeur sur des jeunes filles.

Il a fait l’objet de poursuites antérieures et a été condamné à des peines de prison légères pour coups et rébellion. Face au magistrat instructeur, l’accusé nie tous les faits et se retranche derrière l’abus d’alcool ou accuse les voisins d’inimitié.

Il est condamné à 6 ans de réclusion.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 27213

 

 


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1894 – Meurtre de son mari

 

Marie Lauze, âgée de 40 ans, journalière à Cournon, canton de Pont-du-Château, est accusée d’avoir tué son mari. Dans la soirée du 5 août 1894, Alexis Sauvat rentre à son domicile, ivre comme c’est souvent son habitude. Sur un prétexte insignifiant, il se dispute alors vivement avec son épouse, allant jusqu’à la frapper violemment. Leur fils Pierre, âgé de 14 ans, réveillé par le bruit de la dispute subit aussi les foudres d’Alexis Sauvat qui le fait « rouler sur le plancher » et « dégringoler l’escalier ». Dans la nuit, Marie Lauze décide alors de commettre l’irréparable. Elle  « s’approcha du lit dans lequel il (son mari) reposait endormi et, s’armant d’un bâton, lui en asséna plusieurs coups sur la tête avec une telle violence que le crâne fut fracturé et que la mort fut instantanée ».

En novembre 1894, après une enquête et une instruction rapides, l’accusée est finalement acquittée. A la question « l’accusée […] est-elle coupable d’avoir […] commis volontairement un homicide », la réponse du Jury est « Non ».

Plus troublant et paradoxal, à la question « l’accusée est-elle coupable d’avoir […] volontairement porté des coups et fait des blessures », la réponse du Jury est à nouveau « Non ». Encore plus étonnant, l’ultime question : « ces coups et blessures, faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l’ont-ils pourtant occasionnée » ? La réponse du Jury est définitivement « Non ».

La personnalité violente du mari, ainsi que le fait que l’accusée bénéficie d’une réputation irréprochable, ont clairement joué en faveur de cette dernière.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 10888

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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 10888

 

 


1910 – Meurtre de son mari et parricide

 

Marguerite Bruasse (veuve Thorillon) et Marie-Léonie Maraud (née Thorillon) sa fille, demeurant à Grandrif, arrondissement d’Ambert, sont accusées du meurtre de leur mari et père, Martin Thorillon.

Le 13 janvier, 1910, Marie-Léonie Maraud (née Thorillon) se rend chez son plus proche voisin pour lui annoncer la mort de son père : ce dernier, âgé de 75 ans et presque aveugle serait tombé dans l’escalier, se fracassant le crâne. Mais, selon l’acte d’accusation, « il était de notoriété publique que les femmes Thorillon et Maraud maltraitaient le vieillard et avaient par certains propos manifesté la satisfaction qu’elles éprouveraient de la mort de Thorillon ». Ainsi, le Maire de la commune refuse le permis d’inhumer et informe le Parquet qui diligente une enquête. Les conclusions du rapport du médecin-légiste, illustrées par un schéma des blessures relevées sur le crâne de la victime, sont formelles : « la mort du sieur Thorillon est criminelle. […] Elle a été occasionnée par les blessures […] à la tête. Le fléau et le râteau ont été deux des instruments du crime mais il n’est pas possible de dire s’ils ont été employé simultanément par deux personnes ou successivement par la même personne ».

 

Cinq mois après les faits, le 31 mai 1910, la Cour d’Assise de Riom rejette la préméditation, demandée par le Procureur Général, mais condamne tout de même lourdement les accusées : la réclusion criminelle à perpétuité pour la mère et 10 ans de travaux forcés pour la fille (qui profite de circonstances atténuantes).


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 27659

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Arch. dép. Puy-de-Dôme, U 27659




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