Le reliquaire perdu de saint Bonnet

Dès les premiers mois révolutionnaires, la nationalisation des biens du clergé provoque un vaste chantier d’inventaire du mobilier religieux afin d’évaluer sa valeur monétaire. En 1790 est dressée la première liste d’objets précieux de la cathédrale de Clermont-Ferrand, sur laquelle figurent deux grandes pièces d’orfèvrerie, les chefs-reliquaires de saint Arthème et de saint Bonnet. En 1792, ces objets sont inscrits sur la liste des pièces d’or et d’argent destinés à la fonte afin d’abonder la réserve monétaire nationale.


Témoin du culte constant et de la ferveur populaire envers saint Bonnet, le grand reliquaire contenant les restes de l’évêque clermontois du VIIe siècle n’est plus aujourd’hui connu que par un grand dessin conservé aux Archives départementale du Puy-de-Dôme dans le fonds du chapitre cathédral. Offerte par Benoît Begon, chanoine de la cathédrale, la pièce est commandée en 1656 à l’orfèvre parisien Jacques Cottard, qui propose ce modèle assorti de détails techniques concernant notamment les matériaux à utiliser et la taille de l’œuvre. L’échange épistolaire qui accompagne ce dessin suggère notamment de remplacer le bois commun initialement prévu pour l’âme du reliquaire par de l’ébène, ou de traiter la surface des lames d’argent qui recouvrent l’objet par une dorure (vermeil) pour éviter le brunissement de l’argent.


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Chef-reliquaire de saint Bonnet.
Dessin signé de Cottard (orfèvre), Gioux (procureur du chapitre) et Bégon ( ?) (1656)
Plume encre noire, mine de plomb et lavis brun
Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds du chapitre cathédral de Clermont, 3 G 0 280 cote 18


Le dessin, réalisé à la plume et encre de chine avec des rehauts de lavis, est extrêmement soigné et précis. Une inscription « Le chef cy dessus désigné porte 22 pouces et demy pour les anges ne peuvent porter que 14 à 15 pouces à raison du poids de 65 à 80 marc » précise la taille et le poids du métal. De grande stature (près de 60 centimètres de haut), le reliquaire représente le buste de l’évêque revêtu de la mitre et d’une chasuble. Le socle, ici seulement ébauché à la mine de plomb, doit lui aussi être réalisé en ébène recouvert de quelques lames d’argent ; de part et d’autre, deux anges (dont un seul est représenté sur le dessin) supportent l’ensemble, dans une composition notablement plus riche que les bustes-reliquaires produits à la même époque.

Ce dessin, signé de l’orfèvre Cottard, du procureur du chapitre cathédral (Gioux) et, probablement du commanditaire Begon, constitue une sorte de « bon à tirer » qui vient arrêter les modalités de la commande passée à l’orfèvre.


La popularité de saint Bonnet n’épargne pas, dans la tourmente révolutionnaire, cette pièce insigne. À l’instar du monumental Arbre de Jessé de 1507 qui trônait au faîte de la nef, d’une grande partie de l’orfèvrerie du trésor et de très nombreuses cloches, le reliquaire rejoint la longue liste établie le 29 octobre 1792 en application du décret du 10 septembre précédent, où sont consignées les pièces métalliques destinées à la fonte ; le procès verbal (1 Q 558) mentionne « deux chefs de saints avec leur mitres pesant 88 marcs 2 onces », ce qui rapportera environ 21 kilogrammes de métal précieux à la République…  


Bibliographie

- Mgr Simon (Hippolyte) (dir.), Clermont. L’âme de l’Auvergne, coll. « La grâce d’une cathédrale », Strasbourg : La Nuée Bleue, 2014, 431 p.


Le reliquaire perdu de saint Bonnet.
Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds du chapitre cathédral de Clermont, 3 G 0 280 cote 18

 




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