Marques et contremarques des « registres d’exposition » : conserver la mémoire d’un enfant abandonné

Les Archives départementales du Puy-de-Dôme conservent, au sein des fonds des établissements hospitaliers, un ensemble de billets ou marques d’enfants abandonnés dans les hospices du département. Reconditionnées à part des registres où elles étaient originellement rattachées, ces marques sont actuellement présentées dans 9 classeurs regroupant les hospices de Clermont-Ferrand, Ambert et Billom.


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Marque et contremarque d’un enfant né en 1815, déposé à l’hospice de Billom puis récupéré par son père en 1822. L’histoire de l’enfant est consignée dans le registre lié à la marque et dans le billet qui l’accompagne (33 ETP 31-32).
Arch. Dép. Puy-de-Dôme, fonds Hôpital de Billom, 33 ETP 37

 


Traditionnellement pris en charge par les établissements de charité et/ou hospitaliers, l’accueil et le soin des enfants recueillis après abandon se structure à la Révolution : la loi du 27 frimaire an V (17 décembre 1796) « relative aux enfants abandonnés » rend systématique et gratuit l’accueil de ces enfants et nouveaux-nés dans « tous les hospices civils de la République ».

 

Les administrations des hospices civils se voient donc confier le service d’assistance et de soins aux enfants abandonnés. Elles organisent l’accueil des enfants, le choix et la rémunération des nourrices sédentaires rattachées à l’établissement, attribuent aux nourrices ou tuteurs désignés des fonds pour l’entretien des pupilles (en particulier le don de « layettes et vêtures ») ; elles tiennent annuellement comptabilité des enfants admis, des mises sous tutelle, de la gestion de leurs biens (livrets d’épargne), des placements dans les communes ou en apprentissage par arrondissement voire hors département, et enfin des décès.

 

L’anonymat de « l’exposition » (ou abandon) est en théorie garanti par l’usage du tour, sorte de « passe-plat » tournant avec clochette ménagé dans l’entrée de l’institution désignée pour recevoir les enfants abandonnés. D’usage ancien et rendu obligatoire par décret du 19 janvier 1811, l’utilisation des tours d’abandon est néanmoins fréquemment remise en cause au cours du XIXe siècle (celui de l’hospice de Billom est supprimé dès 1823, en 1837 pour Ambert, Thiers et Issoire) et sont remplacés par des bureaux d’admission ouverts. Une loi les interdit définitivement en 1904.


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À son arrivée, l’enfant « exposé » est classé en plusieurs catégories. Une différenciation est établie entre les enfants « trouvés » (confiés à un tiers, accoucheuse, prêtre, membre de la famille, etc., qui le dépose ensuite à l’hospice), les enfants « abandonnés » (laissés à l’hospice par la mère elle-même, qu’elle y ait accouché ou non) et les « orphelins » pauvres, dont certains sont placés temporairement (car leur parents sont dans l’incapacité de s’en occuper, soit pour indigence, soit pour maladie, soit pour cause d’emprisonnement). Ils sont pris en charge puis suivis par l'hôpital jusqu'à leur majorité, marquant la fin de la tutelle.

 

Néanmoins, les familles ont toujours la possibilité de récupérer leurs enfants : c’est pourquoi chaque objet ou vêtement déposé avec l’enfant fait l’objet d’une description précise consignée dans le procès-verbal d’abandon et dans la déclaration qui en a été faite à l’état civil. Ces objets, ou « marques », sont conservés soigneusement dans les registres d’abandon. La famille quant à elle conserve la contremarque qu’elle devra présenter comme preuve de son lien avec l’enfant.

 

Objets fragiles, volatiles, ils ont été, par mesure de conservation, extraits des registres et reconditionnés dans des pochettes de conservation transparentes adaptées à leurs formats très variés. On trouve dans cette collection de marques de très nombreux bouts d’étoffes, quelques petitsbijoux ou breloques, des médailles religieuses, des mots quelquefois rédigés sur des cartes à jouer et au moins une très fine mèche de cheveux tressée. À noter, dans cette collection, plusieurs cas de marques et contremarques, notamment celles de l’enfant Johannès né en 1815 à Vertaizon, dont la mère est morte en couches. L’enfant a été déposé « à la porte de l’hospice » par son père, qui viendra le chercher 7 ans plus tard en 1822.

 

 


Extrait du procès-verbal de naissance et d’abandon, pour un enfant né à l’Hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand en 1833, avec sa marque en tissu.
Arch. Dép. Puy-de-Dôme, fonds CHU Clermont-Ferrand, 5 ETP 1036

 


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Marque en tissu, avec le prénom de l’enfant brodé, accompagnée d’une boucle d’oreille et du billet mentionnant le nom de la mère. Le registre d’admission (5 ETP 955) mentionne l’exposition de l’enfant par une « accoucheuse ».
Arch. Dép. Puy-de-Dôme, fonds CHU Clermont-Ferrand, 5 ETP 1036

 


Marques et contremarques des « registres d’exposition » : conserver la mémoire d’un enfant abandonné.
Arch. Dép. Puy-de-Dôme, fonds Hôpital de Billom, 33 ETP 37
Arch. Dép. Puy-de-Dôme, fonds CHU Clermont-Ferrand, 5 ETP 1036

 




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