Molière en marionnettes

Parmi les auteurs prisés du Théâtre Universitaire Clermontois figurent Bertold Brecht, Charles Prost, Alfred Jarry, Jacques Audiberty et… Molière. Des pièces-créations qui lui ont été consacrées, trois correspondent à des moments-clefs de l’histoire de la troupe : L’Amour médecin (1972) expérimente le couple scénique acteur/marionnettes ; Saint Pocquelin vierge et martyr (1974), création avec texte d’auteur, opère le glissement vers le Théâtre des Chiens Jaunes ; la recréation de Dom Juan, en 1984, est la pièce phare de la troupe devenue professionnelle.


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Novembre 1966 : le Théâtre Universitaire Clermontois fait ses premiers pas sur le plancher de la « salle d’activités culturelles », bâtiment A des tous récents locaux du CROUS, rue Dolet à Clermont-Ferrand. Son président-fondateur, Pierre Lagueunière, et Marcel Freydefont, étudiant aux beaux-arts et en histoire de l’art, déploieront leur énergie, leur créativité et leur militantisme au service de créations théâtrales très engagées, volontairement agressives, toujours participatives, volontiers dénonciatrices. Dix ans plus tard, la troupe prend le nom de Théâtre des Chiens Jaunes, ses pièces gagnent en maturité et amènent progressivement ce collectif étudiant amateur vers la professionnalisation (1980). La troupe, épuisée, annonce sa dissolution en 1989.

En 2002, ses archives, qui comprennent de nombreux documents de travail, affiches et photographies, sont données au Département du Puy-de-Dôme pour être conservées aux Archives départementales, dans un souci de transmission. Précieux car rares, ces documents retracent plus de 20 ans d’activité théâtrale, livrent l’intimité du processus créatif des directeurs artistiques, et mettent en lumière les engagements intellectuels et le fonctionnement du collectif entre 1966 et 1989.


Marionnette de Sganarelle pour la pièce 
L’Amour médecin. Dessin au feutre, Marcel Freydefont, 1971-1972. Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds du Théâtre Universitaire Clermontois/Théâtre des Chiens Jaunes, 128 J 70. Tous droits réservés.

 


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Recherches pour les personnages de Guillaume et le corps médical, symbolisé par une sorte de « cheval de Troie » abritant les quatre médecins de la pièce. Dessins au feutre, Marcel Freydefont, 1971-1972. Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds du Théâtre Universitaire Clermontois/Théâtre des Chiens Jaunes, 128 J 70. Tous droits réservés.

 


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Sganarelle, la marionnette et l’acteur. Tirage photographique noir et blanc, avril 1972. Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds du Théâtre Universitaire Clermontois/Théâtre des Chiens Jaunes, 128 J 108. Tous droits réservés.

 

 

Alors que jusqu’en 1972 Marcel Freydefont et Pierre Lagueunière avaient privilégié l’exploration des textes du théâtre contemporain, plongeant leurs créations dans un univers très inspiré de Brecht, la troupe se mesure, pour leur dixième création, au grand Molière. L’amour médecin, comédie-ballet de 1665, est mise en scène par Marcel Fredydefont. Présentée au public clermontois en février 1972, elle sera donnée à plus de vingt reprises en trois mois (notamment à Guéret et à Vichy). Pour la première fois, la troupe expérimente le couple scénique acteur/marionnette qui matérialise le refus de la personnalisation si cher à la période de Mai-68. Les mannequins, montés sur une structure en bois à roulettes, sont manipulés par un acteur, visible par le spectateur mais dont le visage est parfois recouvert d’un masque, lui-même copie de la tête du mannequin, dans une sorte de mise en abîme. Il en résulte une création particulièrement visuelle marquant l’effacement du rôle de l’acteur au profit du travail collectif : toute la troupe s’investit dans la création des personnages-marionnettes, l’animation musicale ou la matérialisation sensorielle de l’ambiance souhaitée (par exemple en dispersant du foin sur la scène, accessoire des médecins arrivant à cheval). La méthodologie de travail est identique d’une pièce à l’autre : Freydefont et Lagueunière rédigent de nombreuses fiches didactiques, utilisées comme base de discussion afin que chaque membre de la troupe s’approprie les personnages et la pièce – condition sine qua non à la libération créatrice.


 

Ainsi, la création passe d’abord par la compréhension du contexte de l’écriture de la pièce afin d’en extraire le discours politique, puis par la compréhension des personnages et une recherche approfondie sur leur caractère, leur contemporanéité, leur gestuelle, leur expressivité – autant d’éléments que la mise en scène et les marionnettes doivent retranscrire. C’est bien ce que livrent les abondants croquis au feutre et crayon de couleur réalisés par Marcel Freydefont. Ici, le personnage de Sganarelle est identifié comme « lourd, mobile, [à la] silhouette très caractérisée, costume simple, velours éclatant ». Les dessins préparatoires montrent toute la recherche pour libérer les mouvements de ce personnage-marionnette fort en réactions. Montée sur ressort et actionnée par la main de l’acteur, la tête du mannequin est ainsi libérée de la contrainte structurelle, et peut aisément simuler un tremblement et bouger dans tous les sens !


Bibliographie

-       Pierre Lagueunière, Le combat véhément des campagnes du TUC […], Clermont-Ferrand, éditions Un, Deux, Quatre…, 2002. 2 BIB 4902.

 

Consultez l’inventaire du fonds du Théâtre Universitaire de Clermont/Théâtre des Chiens Jaunes (128 J)


Molière en marionnettes. 
Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds du Théâtre Universitaire Clermontois/Théâtre des Chiens Jaunes, 128 J 70 et 108. Tous droits réservés.




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