Petit guide d’initiation à la chasse à la loutre

La brochure Pourquoi et comment je prends la loutre due à Morand-Aurier, imprimée au début du XXe siècle, a été acquise par les Archives départementales en 2021. Il s’agit d’un véritable manuel, sur 29 pages, de chasse à la loutre destiné à toute personne qui souhaite se lancer dans cette activité.


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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 1 BIB 708

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Arch. dép. Puy-de-Dôme, 507 Fi 1081

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Pourquoi et comment je prends la loutre, par Morand-Aurier piégeur à Ennezat, Clermont-Ferrand, Imprimerie Moderne, [s.d.] : couverture de la brochure avec portrait de l’auteur.


Peu d’informations sur l’auteur, si ce n’est qu’il se présente lui-même comme « piégeur » à Ennezat ; il semble toutefois y avoir acquis une certaine notoriété locale – ou avoir un sens certain de l’autopromotion : une carte postale à son effigie (Arch. dép. Puy-de-Dôme, 507 Fi 1081), éditée en 1913, le présente comme « l’un de nos piégeur de loutres les plus remarquables ».

Ce document témoigne de l’importance de cette pratique aux cours des XIXe et XXe siècles, et éclaire sur les raisons qui ont poussé l’homme à vouloir piéger cet animal, aujourd’hui protégé.


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Courrier adressé au Préfet, sollicitant l’octroi de la prime (1926). Arch. dép. Puy-de-Dôme, M 592.

 

La chasse à la loutre, une activité lucrative

 

La loutre d’Europe, autrefois présente tout le territoire français, disparaît quasiment au cours du XXe siècle, en raison de la chasse et de la destruction de son habitat naturel par l’activité humaine.

 

La loutre est alors considérée comme un animal nuisible ; grande consommatrice de poissons, elle est accusée d’en vider les cours d’eau et donc de concurrencer la pêche : « il y a, le long des cours d’eau, même les moins importants, un animal peu connu, pour beaucoup mystérieux, qui peut rendre la pêche fructueuse ». Elle est d’autant plus chassée que sa fourrure, particulièrement appréciée, se vend cher : tout en présentant sa chasse comme un sport, Morand-Aurier affirme ainsi que « quand il sait mener de front son travail et ces occupations supplémentaires, l’amateur débrouillard réussit à réaliser tout de même quelques bénéfices. C’est mon cas. ».

 

Dès le Moyen Âge, des chasseurs « spécialisés », les loutriers, voient le jour ; une prime peut même être octroyée pour toute capture, pratique qui perdure encore jusqu’au XXe siècle. Un arrêté du Conseil général du Puy-de-Dôme la fixe ainsi en 1905 à 5 francs par tête de loutre. Pour toucher la prime, le chasseur doit adresser un courrier à la sous-préfecture, visé par le maire de la commune, et l’accompagner d’une oreille coupée de loutre, valant preuve. Cette prime est supprimée en 1926, non pour préserver un animal du déclin, mais parce que l’augmentation du prix de sa fourrure ne justifie plus de prime pour les autorités…



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Encart publicitaire, extrait de la brochure. Arch. dép. Puy-de-Dôme, 1 BIB 708

Cet attrait financier conduit inévitablement amateurs comme professionnels à s’informer pour débusquer l’animal. L’ouvrage de Morand-Aurier leur apporte toutes les informations nécessaires, en décrivant précisément le comportement de l’animal et ses faiblesses pour mieux adapter les techniques de chasse. L’animal, terriblement méfiant et à l’odorat très développé, exige selon lui la mise en place d’un piège exigeant un « traitement spécial » ; la brochure se termine justement par un encart publicitaire pour un revendeur de pièges à loutre…


 

De nuisible à espèce patrimoniale

 

La loutre est peu à peu passée du statut d’animal nuisible à celui d’espèce protégée. En 1972, un premier décret interdit sa chasse pour la sauver de l’extinction ; un décret de 1981 en fait un animal protégé. Le piège à mâchoire, tel que décrit par Morand-Aurier, est quant à lui interdit depuis 1984.

 

Depuis ces mesures, la loutre a recolonisé une grande partie du territoire français, et notamment les cours d’eau du Puy-de-Dôme. Certains facteurs (pollution des eaux, travaux d’aménagement, etc.) continuent toutefois de la menacer ; des mesures concrètes sont mises en place pour préserver l’espèce, notamment par le Département via sa politique de protection des Espaces naturels sensibles.


 

 

Sources complémentaires :

 

- Carte postale tirée de la collection Louis Sauge « L’Auvergne pittoresque », 1913 (Arch. dép. Puy-de-Dôme, 507 Fi 1081).

- Documentation relative à l’attribution d’une prime pour la destruction de nuisibles, 1920-1941 (Arch. dép. Puy-de-Dôme, M 592 et M 10951).


Morand-Aurier, Pourquoi et comment je prends la loutre (début XXe s.)
Arch. dép. Puy-de-Dôme, 1 BIB 708




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