Pratiquer l’escrime à Riom en 1789

Dans le courant de l’année 1789, confronté à des difficultés économiques que viennent alourdir les troubles révolutionnaires, Maître Corus de Chaptes, écuyer du roi et directeur de l’académie de manège de Riom, a le plus grand mal à payer ses employés, son maître d’escrime et de danse, et à entretenir son matériel et ses chevaux. La correspondance qu’il échange alors, à la recherche de subsides, avec le président de la commission intermédiaire d’Auvergne, à laquelle de nombreuses prérogatives administratives et financières ont été confiées au détriment de l’intendant, permet de jeter un regard sur la pratique, à l’extrême fin de l’Ancien Régime, de quelques disciplines aujourd’hui considérées comme sportives.


 (png - 2900 Ko)

Demande de subvention par Me Corus de Chaptes, directeur de l’académie de manège de Riom (1789), Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds de la commission intermédiaire d’Auvergne, 4 C 300


Établie en 1675, l’académie de manège de Riom s’inscrit dans le vaste contexte de transformation de la mentalité nobiliaire initiée en France par la découverte des mœurs de l’aristocratie italienne au début du XVIe siècle. Comme le décrit Baldassare Castiglione dans son Livre du Courtisan (1528, traduit en français dès 1537), qui en est le véritable manuel, le noble idéal se doit désormais d’être fin, cultivé, sociable, mesuré, et d’élever les pratiques de sa classe au rang d’art ; le bon aristocrate doit être capable de briller aussi bien sur le champ de bataille, lors d’un assaut courtois qu’au jeu de la balle… La place du corps y est centrale : il s’agit de veiller à sa bonne santé.


Le pouvoir royal voit dans les exigences de ce nouveau modèle l’occasion d’encadrer la formation des aristocrates et de renforcer son contrôle sur une classe batailleuse et volontiers indocile. Dès les années 1590 sont ainsi créées, sur le modèle italien, les premières académies du Roi. Leurs écuyers-directeurs, nommés par lettres de provision et placés sous l’autorité du Grand Écuyer de France, ont le monopole sur un territoire donné. On enseigne dans ces institutions, payantes, les disciplines essentielles à l’honnête homme tout comme au militaire : mathématiques, équitation, escrime, mais aussi danse.

 

Malgré leur renommée, la trentaine d’académies que compte le royaume au début du XVIIIe siècle rencontre de constants problèmes financiers. Les établissements ne rassemblent souvent qu’une poignée d’étudiants, et le départ d’un seul d’entre eux peut très vite déséquilibrer les comptes… elles subissent en outre une féroce concurrence de maîtres illégaux, et souffrent de l’éloignement du Grand Écuyer, qui considère que leurs affaires relèvent du niveau local : elles sont donc largement tributaires des subventions des villes, souvent peu enclines à assister une institution royale en leurs murs, ou de l’intendant, qui n’a pas toujours de fonds à leur accorder.


La requête de Maître Corus de Chaptes – du reste plutôt favorablement reçue, ce qui montre tout l’intérêt que lui porte la puissance publique –, permet donc d’appréhender le fonctionnement d’une structure qui, bien qu’ouverte à tous, est essentiellement fréquentée par des aristocrates, pour lesquels elle est aussi un lieu de sociabilité. Elle est aussi l’occasion de replacer la pratique aujourd’hui considérée comme sportive dans son époque : bien qu’évidemment saines et récréatives, les disciplines de l’académie ont alors une forte signification sociale ; relevant d’une véritable stratégie de distinction, leur pratique est alors autant un moyen de montrer son appartenance à un groupe qu’une nécessité pour des hommes appelés au métier des armes.


Demande de subvention par Me Corus de Chaptes, directeur de l’académie de manège de Riom (1789).
Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds de la commission intermédiaire d’Auvergne, 4 C 300

 




Retour haut de page


Jusqu’à juin 2024, les Archives participent à l’opération nationale de la Grande Collecte des archives du monde sportif

 De janvier à juin 2024, les Archives se mettent à l’heure olympique avec, chaque mois, un document qui évoque les pratiques sportives dans le Puy-de-Dôme.