Une dentellière filmée au hasard d’un chemin de Haute-Loire

Un film de Jean-Dominique Lajoux

 

Proposé dans le cadre de l’exposition « Les Archives font dans la dentelle », ce film de Jean-Dominique Lajoux fait partie de son important fonds de près de 1500 supports filmiques qu’il a donné aux Archives départementales du Puy-de-Dôme, reflet de l’œuvre d’un homme à la fois photographe, cinéaste et ethnologue, chercheur au CNRS, qui a parcouru le monde avec son appareil photo et sa caméra, toujours prêt à saisir la spontanéité d’un geste, d’un mouvement, d’un moment de vie à immortaliser et à transmettre.


« Tout ce que j’ai fait, je l’ai appris tout seul [...] mais ça s’est fait uniquement par l’affrontement avec la réalité »

Entretien avec J.-D. Lajoux, C. Lardy et O. Meunier, 7 février 2020


Une dentellière au hasard d’un chemin de Haute-Loire, daté de 1974, est un enregistrement spontané par Jean-Dominique Lajoux a priori en dehors de toute mission « officielle », comme cela lui arrivait souvent. Le contexte de cette captation est donc inconnu : en apercevant cette dentellière travailler, le cinéaste et anthropologue, conscient de la disparition de ce savoir-faire, a manifestement saisi sa caméra, toujours à portée de main, et a très opportunément immortalisé cette anonyme en train de faire « sauter » les fuseaux.



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La démarche de J.-D. Lajoux consiste en un cadre fixe – sa caméra à l'épaule, en retrait, afin de se faire oublier et de laisser toute sa place au sujet filmé - qui propose trois valeurs de plan. Ces trois cadrages, qui forment autant de séquences, viennent didactiquement illustrer le geste.

 

La première consiste en un plan rapproché, de trois quarts arrière, en légère plongée : la dentellière est ainsi cadrée à la ceinture, ce qui permet de bien voir son « carreau » (métier) posé sur ses genoux. Ce cadrage montre que la place dans la cour de la maison n’est pas choisie par hasard : la tête est à l’ombre, tandis que le carreau est bien éclairé par le soleil.

La deuxième séquence, la plus longue des trois, est un gros plan sur les mains et le carreau. Ainsi se dévoilent le geste et la technique dentellière : le carton une fois fixé sur le tambour, la dentellière installe le nombre de fuseaux nécessaire avec des épingles puis, après avoir bien examiné le carton, projette les fuseaux avec dextérité d’un côté à l’autre, entrecroisant les fils et formant les points selon les indications du dessin, mettant la tension nécessaire pour  assurer la planéité et la régularité de la dentelle ; tous les fuseaux ne travaillent pas en même temps : ceux qui sont un temps inactifs sont relégués sur les côtés du carreau.

 

La troisième séquence, la plus courte en durée, montre un très gros plan sur la partie spécifiquement en travail. Elle permet d’apprécier la minutie de l’œuvre, et la fonction importante des épingles.

 

 

Jean-Dominique Lajoux dans sa maison de Ceyssat manipulant sa caméra Eclair 16mm, 7 février 2020 (cl. Caroline Lardy).


Comme bien des films de J.-D. Lajoux, cette dentellière au hasard d’un chemin de Haute-Loire est un témoignage d’un savoir-faire rare, et une trace d’une France à jamais disparue. Elle en présente aussi, comme l’écrit Alain Pons de l’esprit de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, « les principes généraux qui en sont la base et les détails les plus essentiels qui en font le corps et la substance ».


Visionnez le film "Une dentellière au hasard d’un chemin de Haute-Loire"

 

 

Une dentellière au hasard d’un chemin de Haute-Loire (1974).

Arch. dép. Puy-de-Dôme, Fonds Jean-Dominique Lajoux, [cotation en cours]




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