L'évolution de l'image des femmes

Cette présentation sur « l’évolution de l’image des femmes » porte, principalement, sur la période contemporaine du XXe siècle. Les femmes ont-elles une histoire ? Aujourd’hui cette question paraît évidente, mais cet objet d’étude n’a pas toujours existé au sens collectif du terme. En effet, l’histoire des femmes a évolué. Elle commence par une histoire de leurs corps, de leurs rôles dans la sphère privée comme la maternité, pour aller davantage vers une histoire des femmes dans l’espace public : la cité, le travail, la guerre, la politique, la création artistique ou encore la recherche scientifique. Elle s’est développée essentiellement à partir des années 1970. En France, on peut citer les travaux des historiennes comme Michelle Perrot, Mona Ozouf, Madeleine Rebérioux, Françoise Thébaud et bien d’autres.


 

S’intéresser à l’histoire des femmes : l’obstacle du silence


Leur présence est souvent gommée, leurs traces effacées, leurs archives détruites. Le manque de sources pour écrire l’histoire des femmes est frappant. De façon générale, les traces des gens les plus aisés, les plus importants dans la société ont été davantage conservées, c’est la même chose pour les sexes. Les femmes sont restées hors du récit pendant des siècles. Or, sans archives, on n'écrit pas la même histoire. Et même quand les archives existent, le souci de l’invisibilité perdure. Par exemple, dans les archives du XIXe siècle, les hommes sont divisés dans les documents concernant le monde du travail entre ouvriers qualifiés, semi-qualifiés ou non qualifiés. Les femmes, qualifiées ou non, sont rassemblées dans la catégorie « femmes » voire « femmes et enfants ». paradoxalement, il existe toutefois une surabondance de discours à propos des femmes ou de représentations des femmes. Et la question de la sexualisation se présente toujours.

 

 

 


La presse et la publicité : vecteurs d’une représentation réductrice

 


 

1)    La femme au foyer

 

Jusqu’au milieu du siècle, l’image des femmes est empreinte de conservatisme : c’est la « fée du logis » qui est mise en avant. Elle est en dehors de l’espace public. L’absence physique des femmes est pour beaucoup de sociétés la garantie d’une société apaisée où leur parole publique est jugée indécente. D’ailleurs leur accès à l’écriture, à la scolarité a été plus tardif. Même le corps des femmes effraie. Les hommes les veulent cachées.


Jusqu’à la fin années 1950 :

 

L’image de la mère de famille est celle qui domine dans les publications de l’époque.

 

Ainsi la photographie de couverture d’un numéro de Foyer de France, du 15 février 1943, réunit une maman entourée de ses trois enfants.

 

La scène se passe dans la cuisine – lieu dédié alors aux femmes au foyer – et même les enfants illustrent la sexualisation des tâches : le fils se contente de goûter le plat préparé, alors que sa jeune sœur aide à l’épluchage des pommes de terre.

 

 

 

 

Foyer de France (15 février 1943). Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 BIB 1487

 

 

 



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Foyer de France (15 novembre 1943). Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 BIB 1487

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Foyer de France (15 novembre 1943). Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 BIB 1487

Un deuxième exemple, toujours tiré de la revue Foyer de France, est un article du 15 novembre 1943 intitulé « Pour être une jeune fille accomplie ».

Il met en avant deux aspects de ce que doit être une bonne mère au foyer.

 

La première partie de l’article, « Apprenez à faire la cuisine » indique aux jeunes filles comment, malgré les restrictions dues à la guerre, réaliser quelques recettes. L’auteur précise que ce « difficile mais utile apprentissage […] conduira tout droit à la « grande cuisine », lorsque des temps meilleurs seront revenus ».

 

Une seconde partie, « Préparez-vous au plus beau rôle qui soit », évoque aux jeunes lectrices leur futur mission de mère. L’auteur pose le problème d’emblée : « nul n’aurait idée de se lancer dans un métier sans en avoir appris la technique, pourquoi le beau métier de maman serait-il, seul, livré au hasard ? à l’improvisation ? ». Il décline ensuite cinq fonctions principales de la maman idéale : le poids de bébé, sa toilette, sa promenade, son sommeil et ses jouets. 


 

 

Des années 1960 à nos jours

Au début des années 1960, l’image de la femme, celle de la mère de famille dont l’essentiel du temps est consacré aux tâches domestiques, perdure: c’est la fameuse « ménagère ». Plusieurs publicités tirées du quotidien La Montagne, l’illustrent parfaitement :

 

 

 


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La Montagne (14 avril 1960). Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 8 BIB 2

 

 

Une publicité de « Renault » du 14 avril 1960, représentant l’image de la famille idéale : les enfants jouent, le père est allongé sur une chaise longue et la mère sert un rafraîchissement.


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La Montagne (23 avril 1960). Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 BIB 2

 

 

Une publicité « Diener » du 23 avril 1960, dans laquelle apparaît une petite fille vantant les mérites de cette machine à laver si simple d’utilisation que « Maman me la confie… ».

La petite fille est la future mère.


 

 


Dans les informations qu’elle donne sur les événements du département, la presse locale reprend le rôle traditionnel assigné aux femmes.


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La Montagne (12 mai 1960). Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 BIB 2

 

 

Par exemple, le 12 mai 1960, La Montagne relate le résultat du concours national de la meilleure ménagère rurale.

Ce concours, organisé pour la douzième fois a pour objectif de récompenser les jeunes filles qui « témoignent des qualités indispensables pour remplir au mieux, à l’avenir, leur tâche de mère de famille et de soutien de la prospérité de l’exploitation rurale ».


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La Montagne (23 février 1988). Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 BIB 2

 

 

 

 

Une trentaine d’années plus tard, le 23 février 1988, une autre publicité offre une image différente des précédentes : la mère n’apparaît pas et le père s’occupe de ses trois enfants et du linge.


 

 

 

2)    "Sois belle et tais toi"

 

La femme est d'abord une image, et elle doit donc obéir à la mission d’être belle. Si son rôle se doit d’être une mère, elle doit aussi être séduisante.


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Foyer de France (15 mai 1943). Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 8 BIB 1487

 

 

 

Toujours extrait de Foyer de France publié le 15 mai 1943, l’article évoque la nécessité pour les femmes de garder une belle silhouette après la grossesse. Intitulé « Être maman c’est être belle ! », l’article donne des conseils, illustrés de plusieurs photographies de mouvements de gymnastiques permettant de « fortifier les muscles abdominaux » et de « retrouver un corps souple et robuste ».

 

 

 

 

La presse et la publicité valorisent la femme au foyer, mais aussi l’idée que cette même femme, mère, fée du logis, se doit aussi d’être élégante.


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[Publicité pour les talons "le Gaulois"] (17 septembre 1917). Arch. dép. Puy-de-Dôme, fonds Louis Saugues, Dessin T. Sala, 507 Fi 3975

 

 

L'idéal de beauté varie selon les temps et les lieux. Jusqu'au XIXe siècle, on s'intéresse au haut (le visage et le buste) et peu aux jambes. Puis les robes se font plus ajustées et le regard se porte sur les chevilles. La publicité va utiliser le corps de la femme, sa séduction pour vendre les produits.


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Le moniteur (17 septembre 1911). Arch. dép. Puy-de-Dôme, 5 PER

 

 

Un exemple, extrait du Moniteur daté du 17 septembre 1917, montre à quel point l’importance de la beauté féminine est à prendre en compte très tôt pour les jeunes filles.

Il s’agit d’une publicité pour des corsets.

Le créateur de cet ustensile de mode, incontournable alors à cette époque, est considéré comme le « transformateur idéal qui prépare et complète la beauté féminine ».


 

 

Les années 1960 : l’heure de la Pin-up et de la « femme-objet »

La « révolution sexuelle » de la fin des années 1960 impose une nouvelle image, celle de la « femme-objet » ; c’est-à-dire la femme considérée comme un simple objet de désir. Plusieurs images tirées du journal La Montagne illustrent bien cette évolution.


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La Montagne (23 juin 1960). Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 BIB 2

 

 

 

 

La première est celle de l’élection de « Miss Vacances », que relate un article daté du 23 juin 1960. Les premiers concours de « Miss » datent du début du siècle. Dans les années 60, cette sélection basée principalement sur la beauté féminine est déclinée à différentes échelles, comme le montre l’exemple de « Miss Vacances ».

 

 

 

 

Nous ne sommes pas loin de l’image de la « femme-objet ».


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La Montagne (10 janvier 1988). Arch. dép. Puy-de-Dôme, 8 BIB 2

 

 

 

C’est clairement cette image qui est véhiculée dans le même journal par une photographie, datant du 10 janvier 1988, pour présenter le programme de télévision avec comme illustration Bo Derek.

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Aujourd’hui, cette vision de la femme, en particulier dans la publicité, est remise en question.

 

Ainsi, l’on voit à la lecture de ces différents exemples, que l’image de la femme au foyer est toujours présente durant le début des années 1960. Mai 1968 et la libération des mœurs vont apporter des changements dans l’image des femmes véhiculée dans la publicité et la presse.


 

 

Conclusion et perspectives :


Depuis ces dernières décennies, historiennes et historiens ont mis en évidence que, non seulement l’universel étudié jusque-là ne concernait en fait qu’un « demi-universel », mais aussi que celui-ci était pensé et écrit au masculin. 

 

De nouvelles perspectives concernant l’étude de l’image de la femme voient le jour avec d’autres archives, mais aussi de nouvelles questions. Par exemple, l’archéologie met au jour des traces de l’histoire des femmes qui renversent les croyances établies jusque-là (par exemple la chasse). L’abondance des photographies depuis le XXe siècle, rassemblées dans des collections iconographiques, peuvent témoigner de l’histoire des femmes au quotidien. On peut penser aussi aux travaux qui se font avec les archives audiovisuelles de l’INA.


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[Mlle Vergne secrétaire de l'aéro-club aux commandes d'un planeur] (1931). Arch. dép. Puy-de-Dôme, Collection Louis Saugues, photographie anonyme, 507 Fi 4119

 


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Femmes de dos marchant sur le trottoir près des Galeries de Jaude. Arch. dép. Puy-de-Dôme, Fonds La Liberté, photographie Robert Giffoni ?], 629 Fi 683

 

 

 




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